Lettres de l'Abbé Joseph Trèves à Félicien Gamba

88 Abbé Joseph Trèves Voilà 1 0 ans que j'en fais l'expérience. Et il faut bien que je te l'avoue, ce rôle de précurseur, de pionnier, ou si tu veux d' ardito et de propagandiste est un peu fait pour user et limer les meilleures constitutions. Aussi, cette année du moins, ma santé s'en ressent réel­ lement. Il faut que je me convainque absolument que je faiblis, que je suis presque un infirme pour habituer une na­ ture aussi vive et aussi remuante que la mienne à la résiden­ ce fidèle à Promiod, j e dis plus, à la vie sédentaire avec tous les égards et les petits soins ( chose passablement ennuyeuse ! ) que comporte réellement ma faiblesse actuelle de santé. Ajoute que vu la pauvreté de ma naissance et de mon bénéfice ( ses rentes n'arrivent pas à 600 francs par an ! ) pour non seulement clôre les deux bouts, mais pour trouver encore quelques minimes ressources pour mes petites pro­ pagandes, voyages, correspondances, aumônes, bonnes oeu­ vres, j e dois le plus possible payer de ma personne dans les travaux de campagne de mon petit rural. De telle sorte que tu m'aurais trouvé ce printemps dé­ frichant mon champ avec la pioche, sur l'arontrè, pour y semer des pommes de terre et y passant 5-6 et même 7 heures par jour à ce noble et fécond travail que j 'estime et que, crois-le, en vrai émarésot, j 'aime ! Plus tard, à la fauchaison . et fenaison, jusqu'à 8 heu­ res par jour aux prés. Voilà, certes, qui est plus sain que les courses de pro­ pagande, par monts et par vaux, surtout dans les 6 mois de la saison hivernale. En automne, la houlette du berger ! Vive la simplicité et la joie de la vie pastorale ! et dans les moments de loisir de nouveau la pioche ! Tu vois par là, mon cher, que mal­ gré, mon petit brin de bonne volonté, je dois forcément, hé­ las, à mon bien vif regret, laisser en souffrance pas seule­ ment ma correspondance mais encore mon concours si faible

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