- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/1985

104 P. Ma/vezzi hatai de remonter dans ma voiture, je promis une gratification à mon vetturino s'il me rendait promptement à telle auberge du faubourg de la cité d' Aoste, parce qu'il était trop tard pour entrer dans la ville, dont les portès étaient fer– mées; il gagna la gratification car en moins d'une demi-heure j'arrivais aussitot où je devais passer la nuit. Si j'étais Turc, je dirais qu'il y a une sorte de prédestination heureuse atta– chée à ma personne. Ce n'était pas la première fois que les voleurs se trou– vaient dans mon voisinage sans pouvoir m'atteindre; j'ai souvent fait de ces rencontres dans mes voyages, surtout en Pologne en 1763, en Espagne en 1765, et en Allemagne exposé aux surprises... parcourant l'Angleterre en 1792 pour la seconde fois, j'ai entendu cles recits de voyageurs qui avaient été attaqués sur les memes chernins· par où j'ai passé sans tomber entre leurs mains; mais lorsque j'ai évité ces attaques dans qtiinze differantes courses que j'ai faites dans les Etats du Piémont, on puisse pas dire qu'une sorte de destinée heu– reuse me suit dans mes voyages? J'ai souvent été volé dans les auberges, mais jamais je n'ai été attaqué sur les routes. On m'a souvent escamoté et fait cles vols considerables dans mes poches et dans mes divers logements, mais jamais d 'une manière effrayante, jamais à main armée. De manière ou d ' autre, on vole partout, mais plus ou moins, cependant selon que les gouvernements sont plus actifs à procurer la prérnière condition de la civilisation, la sureté cles propriétés terriaires, mobilières et personnelles: nulle part on ne vole autant et de tant de manières qu'en Piemont, c'est une vérité déshonorante pour cette nation et plus encore pour son gouvernement; celui-ci d'autant plus blamable, qu'il entretient deux fois plus de soldats qu'il ne lui en faut en temps de paix, sans les employer à la véritable garde de ses sujets, et sans les préserver du danger continue! où l'on est dans ce pays d'etre atta– qué à toute heure de nuit, de sorte qu'on est souvent obligé de se faire accom– pagner par cles gardes; ce qui rencherit beaucoup les voyages. Les soldats du Roi de Sardaigne qui la plus part ont l'air de bandits et les autres de degou– tants goujats ne savent que monter la garde dans les forteresses et jamais ne sont employés à la sureté cles chernins. Je défie le plus subtil cles ministres pie– montais de faire d'une manière plausible l'apologie de son gouvernement sur cet artide. Je suis certain qu'on a de meilleurs moyens de juger cles moeurs d'une nation et de la sagesse de son gouvernement, c'est de rechercher le nombre cles crimes qui s'y commettent en dix années et de prendre la moyenne proportionnelle sur ce nombre. C'est ce que j'ai fait partout où j'ai voyagé; je n'ai épargné pour celà ni soins ni de preuves. ]'ai acquis la preuve qui se commet; année com– mune cinq cent grands crimes dans les Etats du Roi de Sardaigne dont la popu– lation est d'environ trois millions d'ames, or comme la population de deux siècles est de six millions d'ames au plus, et qu'il ne s'y commet que six cent crimes

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