- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/1985

lO H. Passerin d'Entrèves leur culte, mais il n'obtint malheureusement qu'une très précaire appli– cation. Nous en verrons quelques reflets dans l' action d'Emmanuel– Philibert à l'égard des protestants des vallées Vaudoises du Piémont: il est évident, et nous le constaterons, que Marguerite de France put l'influencer dans cet effort, et je crois queJean-Claude Margolin n'a pas tort en supposant que la duchesse s'inspirait aussi de l'ouvrage érasmien intitulé Institution du prince chrétien, tandis que le due parait incertain entre les exigences de la «raison d' état» et le désir de se soustraire aux duretés de la politique de la Contreréforme suivie par Philippe II, son allié-protecteur. Pour ce qui concerne le Duché d'Aoste, la menace d'une invasion, en tenant compte des incursions des réformés, des «leuthériens» bernois surtout, qui avaient envahi le pays de Vaud, lié aux Savoie, en détruisant des églises et des objets de culte, contribua à pousser les valdotains vers une attitude de défense intransigeante de leurs traditions. Les graffiti anonymes du chateau d'Issogne sur ce qui se passait à Genève («la messe est restée de dire~> en avril1535 dans cette ville) l'expriment avec l'éloquence des inscriptions dénuées de toute rhétorique. Emmanuel-Philibert n'ignorait clone pas les tendances iréniques de sa femme, et Marguerite put, trois ans après son heureuse entrée dans les territoires cisalpins des Savoie, croire à la réalisation d'une paix religieuse et d'une tolérance entre les confessions chrétiennes qui aurait mis fin aux sanglantes expéditions du comte Georges Costa de la Trinità dans les vallées vaudoises, suggérées par ces jésuites qui avaient en vain cherché d' obtenir par leurs sermons l' abjuration des «réligionnaires». On signa en effet à Cavour (juin 1561) une sorte de traité de paix, qui peut presque etre comparé à l'édit français du mois de janvier de la meme année, un édit de tolérance, dans lequel la raison d' état pose des limites évidentes à la grande inspiration éras– mienne et irénique de la princesse Marguerite: son nom est toutefois évoqué, lorsqu' on affirme que certaines garanties ont été concédées aux sujets qui avaient gardé leur foi de réformés «ad intercessione della serenissima Madama nostra principessa et per gratia soa speciale». Tout ceci nous intéresse pour mieux saisir jusqu'à quel point le vainqueur de Saint-Quentin savait pousser un esprit de clémence ins– piré, selon son explicite admission, à une sage «raison d' état»: il voyait

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