- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/1985

12 H . Passerin d'Entrèves Je vais aussi remarquer que les juristes qui travaillèrent pendant ces années difficiles à la réforme des coutumes - on en fait allusion dans l'introduction au Coutumier- jouirent souvent de leurs con– gés dans la saison des vendanges, non sans une mention explicite des dangers que les passages des troupes provoquaient à cette époque de l'année. Emmanuel-Philibert gagna la confiance des valdotains surtout en leur confirmant par des lettres patentes de 1570 et de 1578, le Con– sei! des Commis pour «Magistrat suprème et Conseil d'état au susdit Duché». Les juristes qui rédigèrent les coutumes transmises oralement jouè– rent un role démocratique - c'est le mot - en rendant clair et cer– tain l'héritage des traditions, et en mélangeant avec adresse le français régional. Si je peux adopter l'expression qu'on applique aux textes de plusieurs coutumiers de France, rédigés entre 1464 et le début du xvre siècle, je dirai que ces juristes se servent du vrai vulgaire. Un savant philologue allemand, Kurt Baldinger, me fournit un excel– lent exemple à citer, qu'il tire de la rédaction des coutumes de Tou– raine de 1508: on y parle des personnes non nobles, et l'an ajoute qu'il s'agit de ceux qui «vulgairement s' appellent roturiers et coutu– miers» («Zeitschrift fiir Romanische Philologie», Tiibingen, 1951, t. 67, Heft 1-3, p. 7). La rédaction des coutumes fut justement confiée à des juristes qu'on appelait coutumiers, et qui étaient des roturiers, sous la régie prudente du docte éveque de Belley, Ginod, et de quelques repré– sentants de la noblesse. Lin Colliard a pu remarquer avec raison que le véritable «deus ex machina» de la rédaction des coutumes a été un notaire valdotain, un homme sorti du Tiers état qui commençait à s'élever, tout doucement dans une société très féodale encore: Philibert-Bonaventure Bornyon. Les coutumes du Val d'Aoste ont certainement une empreinte médiévale, car elles sont le miroir d'une société féodale, et pourtant, quelques pas ont déjà été faits par ces obscurs juristes et «practiciens» sur la vaie de l'humanisation de la justice. Non sans habileté, le due avait misé, pour réaliser la «grande entreprise» de la rédaction de coutumes, sur un éveque qui lui était

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