- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/1985
28 L. Terreaux La foi appelée catholique est universelle et sans limites de temps et d'espace, depuis qu'elle a commencé. Tout homme doit apparte– nir à cette religion que professe le successeur de Pierre et établie par . le Christ. Seuls, les Chrétiens qui suivent cette loi doivent etre appelés Catholiques; les autes sont cles insensés; et les hérétiques, en parti– culier, sont cles infames que doit punir le pouvoir séculier, selon l' occurrence: Item, «haeretici infames» appellentur qui a Principe ut res sese afferet punientur. Lex I. 15 • C'est en somme le développement de la formule bien connue: une foi, une loi, un roi. Dans les Etats de Savoie, cette unité ne fut jamais en cause, car la légitimité de Charles-Emmanuel n'était pas discutée. En France, la situation était différente. L'assassinat d'Henri III en 1589 ouvrait . une crise politique et religieuse sans précédent et plaçait Montaigne devant un choix sur lequel François n'eut jamais à se prononcer dans les faits. S'il avait eu à décider, il est difficile de dire de quel còté il aurait penché, en définitive. Ce qui est sur, c'est qu'il ne pouvait concevoir un souverain «hérétique». Montaigne n'est pas du còté des Ligueurs, mais il ne se préoccupe pas trop cles convinctions religieu– ses d'Henri IV. C'est le sens d'une lettre adressée au souverain en1590 et conservée à la Bibliothèque Nationale de Paris: «J'ai de tout temps regardé en vous, écrit-il, cette meme fortune où vous etes et vous peut souvenir que, lors meme qu'il m'en fallait confesserà mon curé, je ne laissais pas de voir aucunement de bon oeil vos succès». La légi– timité religieuse n'inquiète pas Montaigne. Il lui suffit que la loi de succession- loi civile- fasse du roi de Navarre, le roi de France. La loi lui est bien utile dans un tel cas, où se vérifie ce qu'il écrit dans les Essais: «les loix m'ont osté de grand peine; elles m'ont choisy party et donné un maistre: tout autre supériorité et obligation doibt estre relative à celle-là et retrenchée» 16 • C'était rompre avec la devise de l'unité et reconnaitre la supériorité du droit lai:que sur le droit religieux. Au fond ce n'est pas étonnant, puisque le régime idéal, c'est-à-dire théoriquement le meilleur - en fait, il ne faut surtout 1 5 Loc. cit. p. 75 sq. Lex I, c-à-d. Loi I du Code Justinien. 16 Essais, III, l, pp. 794-795.
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