- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/1985
Montaigne et saint François de Sa/es 43 blances. «Nous empeschons 87 noz pensées du generai, écrit Montai– gne, et des causes et conduites universelles, qui se conduisent tres bien sans nous, et laissons en arrière nostre faict et Michel, qui nous touche encore de plus pres que l'homme» 88 • C'est pourquoi, s'étant pris dès le départ pour matière de son livre, avec le temps, son moi envahira proprement les Essais. Et dans chaque sujet, ce qui le frappe c'est qu' il est «divers et ondoyant» 89 , dans un monde où tout est sans cesse en changement, où «la constance mesme n'est autre chose qu'un branle plus languissant» 90 • Ce sentiment qu'il y a d'extremes différences entre les hommes fait que l'éducation doit etre indivi– dualisée, meme si elle a moins d ' influence que la Nature. Dans cette forme de pédaggie qu'est la direction de conscience, François de Sales ne juge pas autrement. Il souligne sans cesse combien il est néces– saire de tenir compte des changements ou de particularités de toutes sortes: «... tout homme est sujet à telle passion, changement et vicis– situde, et tel aymera aujourd'huy une chose qui en aymera demain une autre; un jour ne ressemble jamais l' autre» 91 • C'est la formule de Montaigne: «... ce qui m'est plaisir à cette heure, me sera quelque fois peine» 92 • A l'abbesse de Montmartre qui avait entrepris de réformer son monastère, l' éveque écrit que la «porte» de la «refor– mation» est «estroitte et malaysee a passer» et ajoute: «Je vous sup– plie .. . que... vous prenies la peyne et la patience de conduire par icelle toutes vos Soeurs l'une apres l' autre; car de les y vouloir faire passer a la faule et en presse, je ne pense pas qu'il se puisse bien faire. Les unes ne vont pas si viste que les autres. Il faut avoir esgard aux viel– les: elles ne peuvent s' accomoder si aysement; elles ne sont pas sou– ples, car les nerfz de leurs espritz, camme ceux de leur cors, ont des-ja fait contraction». Aux Religieuses des Filles-Dieu: «Faysons ce que nous devons, chacun selon sa condition et profession, et Dieu 87 Nous embarrassons. 88 Essais, III, 9, p. 952. 89 Ibid., I, l , p. 9. 9o Ibid., III, 2, p. 805 . 9 1 T. VI, p. 313 . 92 Essais, II, 12, p. 566.
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