- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/1985

Montaigne et saint François de Sales 45 de lui-meme. Son «ménage» meme, c'est-à-dire le gouvernement de sa maison, il le cède volontiers à d'autres et s'il a plaisir à voyager, c'est aussi pour en fuir les contraintes 94 • Il est d'avis qu'il faut se mettre à l'abri des coups, «fut ce soubs la peau d'un veau. Car, ajoute– t-il, il me suffit de passer à mon aise» 95 • Il fui t le commandement, l'obligation et la contrainte 96 • Son père «avoit ouy dire qu'il se fail– loit oublier pour le prochain, que le particulier ne venoit en aucune consideration au pris du generai» 97 • Il admire cette conduite. Il ne la partage pas. Il a pu avoir des charges publiques: il ne s'est jamais oublié au service des autres: <<J'ay peu me mesler des charges publi– ques sans me despartir de moy de la largeur d'une ongle, et me don– ner à autruy sans m'aster à moy» 98 • Ce n'est pas la conduite de François de Sales. Nous avons évo– qué son activité de missionnaire, de réformateur, de fondateur d'ordre, de prédicateur, de directeur d'ames, de théologien, d'écrivain tou– jours appliqué au service des autres. Les trois dernières années de sa vie, on le voit successivement, malgré son état de santé, à Paris, à Tours, à Lyon, à Pignerol, à Turin, en Avignon, à Lyon, où il expire. C'est qu'il ne sait rien refuser au service de l'Eglise, des princes et des peuples. Qu'on ne demande surtout pas à Montàigne le moindre prosély– tisme. L'apostolat n'est pas dans sa nature . Au contraire, le souci permanent de François de Sales c'est de conquérir des ames pour le Royaume de Dieu. Son oeuvre écrite est toute inspirée par l'action missionnaire . L' Introduction à la vie dévote et le Traité" de l'Amour déDieu ne sont pas des oeuvres spéculatives. Sous un nom d'emprunt, elles ont un destinataire, auquell' auteur veut imposer un certain com– portement. Camme elles s'enracinent dans une vaste culture et dans une recherche théologique approfondie, le pasteur en tire une force de conviction particulière. Il avait connu deux crises. L'une morale, 94 Essais, III, 9, pp. 950 et 972. 95 Passer le temps à mon aise. Ibid., I, 20, p. 85 . 96 Ibid., Il, 17, 650. 97 Ibid., III, 10, p. 1006. 98 Ibid., III, 10, p. 1007.

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