- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/1985
48 L. Terreaux ce monde, mais qui rendait Montaigne plus étranger au monde où il était demeuré, que François de Sales qui devait le quitter. Morale qui n'est pas la morale chrétienne, encore moins la morale de la sain– teté. Mais Montaigne voulut-il jamais se situer dans l'ordre de la sain– teté auquel tout destinait François de Sales depuis son enfance? Sur ce point, nul doute, on ne voit pas de similitude.. . Comme il s'applique à savourer les plaisir de l'existence, Mon– taigne porte tout son intéret à observer le monde qui l'entoure, et qui est en crise. Mais le monde a-t-il jamais été stable? En tous cas, sa curiosité exclut toute systématisation, tout dogmatisme: «Les autres forment l'homme, je le recite», écrit-il en tete d'un des essais les plus caractéristiques de 1588 111 • Les autres moralistes instruisent. Lui, il décrit, expose, expérimente, fait des essais . Il élabore un art de vivre, mais pour son compte. Chacun en tirera ce qu'il voudra. Tout autre est la position de François de Sales. La seule curio– sité, si attentive qu'elle soit, ne le satisfait pas . Il ne se contente pas de décrire l'homme dans son instabilité, ses faiblesses ou ses aspira– tions au bonheur . Il lui donne un but et les moyens de dominer, de dépasser les désordres, pour s'épanouir dans la plénitude de l'amour de Dieu pour lequel il est fait. L' écriture traduit ces deux attitudes opposées. Elle manifeste chez l'un et chez l'autre un gout évident pour l'image. Mais l'image chez Montaigne est une façon de poursuivre, d'approfondir l'analyse. Elle est exploratrice. Elle a souvent une valeur ambigue, fuyante. Chez François de Sales, elle a une autre fonction: elle permet d'etre plus clair et clone plus convaincant . Elle agit sur les sens, elle plait: par là elle entraine l' adhésion. Comme l'a souligné Antonio Mort dans un artide des Studi Francesi paru en 1963, François de Sales est incon– testablement un écrivain baroque, beaucoup plus baroque que les écri– vains français contemporains: par là précisément il n'est pas français. Le baroque français n'est pas exubérant. Or les images abondent sous 111 Essais, III, 2, p. 804 .
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