- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/1985

Montaigne et saint François de Sales 49 la piume de l'éveque de Genève. Il a un gout évident pour les images continuées ou filées. De meme qu'il aimait les belles liturgies, les pro– cessions, tout un ensemble destiné à parlerà l'imagination et au coeur, et fort éloigné du dépouillement et de la froideur des réformés, il affectionne l'abondance des ornements, camme on en trouve dans de nombreuses églises ou chapelles baroques de Savoie. Les images, les comparaisons, sont camme ces pampres chargés de grappes et ornés d'épis de blé, qui s'enroulent autour des colonnes des rétables alpins. Surabondance d'ornements, mais ornements fonctionnels . Les rai– sins et les épis sont le symbole de l'Eucharistie. Et leur mouvement les emporte vers le ciel. De meme les images salésiennes sant porteu– ses de toute la spiritualité salésienne. L'abbé Lemaire l'a bien mon– tré dans sa thèse 112 • La multitude des fleurs qui embaument le style du théologien, du moraliste ou de l'orateu,r, le miei qui enrobe l'expres– sion, traduisent la suavité si caractéristique de sa méthode spirituelle. En définitive, François de Sales suit les leçons si bien assimilées chez les Jésuites: il vise à la fois à plaire età instruire: delectàre et docere. Montaigne instruit, mais de façon indirecte. Au lecteur de prendre ce qui lui convient. François de Sales, lui, vise à enseigner: c'est le role d'un éveque, et à entrainer, c'est celui du pasteur. On en dirait tout autant de leur façon de composer: L'Essai de Montaigne est d'humeur vagabonde . Il est composé par glissement, par superposition, par retour; le mouvement prime la forme. Ce qui rend la pensée difficile à saisir; quand an croit la cerner, elle échappe. Fraçois de Sales a le gout du pian net, précis. Il organise sa pensée, en dessine les contours. Il faut etre clair pour convaincre. De ce point de vue, mais de ce point de vue seulement, il n'est pas baroque, mais classique. Montaigne et François de Sales ont en commun d' avoir vécu à une époque cruciale de l' évolution du monde occidental. Ils eurent l'un et l'autre le meme souci de répondre aux interrogations de leurs 112 Les Images chez Saint François de Sales, Paris, Nizet, 1962.