- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/1985
50 L. Terreaux contemporains: si leur influence a été et demeure considérable, c'est qu'ils n'ont pas été seulement témoins, mais acteurs dans les drames de leur temps. Leur famille, leur éducation, leurs études ne les rapprochaient guère, en dépit cles apparences . Ils étaient de pays différents où les problèmes politiques n'étaient pas exactement les memes. Pourtant, ils eurent envers l'homme et la société cles attiiudes qui ne sont pas sans présenter cles analogies: sens du concret et du particulier, rejet cles prétentions de la raison, une certaine manière de biaiser devant les difficultés, de substituer la souplesse à la crispation, la prudence à un faux héro1sme. Sur d' autres points qui ne sont pas seulement de méthode, mais de doctrine, ils se rencontrent également: le souci de la responsabilité individuelle, de la qualité plus que de la quan– tité, de l'équilibre entre le corps et l'ame, bref de tout ce qui contri– bue à former l'homme pour qu'il réalise pleinement sa vie d'homme. Car Montaigne camme François de Sales sont cles humanistes au plein sens du terme. Pas seulement cles érudits qui ont assimilé la culture de l' antiquité, mais de ceux pour qui l' élévation de l'homme est la fin essentielle de la société. Leur leçon est actuelle. Elle l'était en ces temps de souffrance matérielle et morale où la fracture tragi– que du christianisme avait débouché sur les conflits armés. Leur hon– neur fut de vouloir tirer leur prochain du désespoir. Ils apportèrent à la réalisation de leur tache, le respect d' autrui, leur civilité, leur sens de la mesure, leur réalisme, une souplesse aimable, éloignée cles a priori et des idéologies. Mais Montaigne s'arreta en chemin. Sa vision de l'homme demeure à ras de terre. Il s'oppose aux Sto1ciens qui sécularisent la morale en soumettant l'homme à la seule raison. Mais sa morale n'a pas d' autre référence que la Nature: suivie avec art et intelligence, elle suffit pour conduire au bonheur. Il a la fai en Dieu et en l'Eglise. Il a le respect de la doctrine; en cles temps où tout se déstabilise, il pense que l'urgence n'est pas d'ajouter au désarroi. En ce sens, il respecte la tradition. Il révère l'institution ecclésiale et sa liturgie. Sur ces points il partage exactement la pensée de François de Sales qui n'est d'ailleurs pas autre chose que celle du Concile de Trente.
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