- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/1985
Montaigne et saint François de Sa/es 51 Cependant Montaigne ne va pas au delà. Il n'imagine pas que la conduite personnelle ou sociale cles individus puisse etre christia– nisée, vivifiée parla foi. Pour Saint François la vraie valeur de l'huma– nité repose sur la foi vécue et, au delà, sur l'expérience mystique, à laquelle tout homme est convié. Sans qu'il renoue avec la vision de la catholicité médiévale, car l'Europe cles patries se confirme au xvre siècle, son ultramontanisme le porte tout naturellement à la foi dans une humanité tout entière docile à une Eglise Sainte, Catholi– que et Apostolique. Au triomphe de cette foi, il mit toutes les res– sources de son corps, de son esprit et de son ame. En définitive, les ruptures, les drames qui caractérisent l'univers baroque de la fin du xvre siècle se résolvent pour l'un dans une sorte d' accomodement conservateur où serait sauvegardé le bonheur de l'homme par réfé– rence à ses qualités d'homme; c'est une vision lai:que du monde. Pour l'autre, il s'agit de christianiser un monde sécularisé, car c'est le seui moyen pour l'homme de se réaliser dans sa plénitude, la seule source de son unique bonheur . L'esthétique nous conduit aux memes conclusions que l'éthique. Tandis que Montaigne décrit, peint l'homme dans une démarche sinueuse, dans un langage où les images sont le support d'une analyse ondoyante, nuancée ou ambigue, où il se complait, François de Sales trie, élague. Il construit, clarifie dans un souci pastoral. S'il a le gout de la Contre-Réforme pour l'ornement, un gout moins français que nord-alpin, c'est dans le souci d'amener les hommes à Dieu, de les persuader sans relache que Dieu est leur fin et qu'ils n'en ont pas d' autre. Montaigne préfère sa tranquillité dans la tolérance, une tolé– rance qui risque bien de déboucher sur l'indifférence. La tolérance salésienne est au contraire la charité active dans et pour l' amour de Dieu.
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