- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/1987

Mgr Bailly 11 Bailly a été surtout un littéraire qui savait bien manier sa langue et qui avait du gout pour elle. Voici ce qu'il écrivait à Guillaume-François Carron de Saint- Thomas, premier secrétaire de la Régente, le 9 juillet 1649: Vous sçavés, Monsieur, la difference et !es diverses graces des lan– gues. La notre veut une expression nerveuse, nette, facile et sans affectation. 19 Bailly avait été envoyé à Paris dès 1643 et, à partir de l'automne de 1647 il était en poste, dans la capitale de la France, en qualité de supérieur du couvent de Saint-Eloy et d'agent secret de Marie– Christine à qui il écrivait, le 28 mai 1648: Madame, je demande d'abord justice à V. A. R. contre Monsieur de Saint– Thomas, qui ne s'est pas contenté de me /aire devenir de Poete, Orateur, et de Predicateur de Paris, Agent de Campagne de ma 19 Ibid., liasse 54, fase . l, lettre 44 . Nous transcrivons ici aussi la lettre 36 de la meme liasse, où il est question du style. Cette lettre a été envoyée à Guillaume-François Carron de Saint-Thomas et elle est datée de Paris, le 16 juin 1649: «Monsieur, je creins de devenir fol, car au lieu d'escrire mes sermons et mille autres choses qui concernent ma profession, et ma charge, je ne m'occupe qu'à escrire à M. R. et serois bien marri de perdre aucune occasion de luy envoier de mes lettres; Mais aiés, s'il vous plaist, la bonté de remarquer !es plaisirs que je prens dans cette occupation, puisque deliberant de n'escrire qu'une lettre de recommandation, et, par consequent, courte je rempris (sic) toute la feuille, et change la matiere pour m'attacher à celle qui m'est agreable. Faites– moi, Monsieur, s'il vous plaist, une grace, priés nostre commune sainte d'ajouter à ces miracles celuy de m'inspirer un entier degagement de la passion que j'ai de barbouiller du papier. Neantmoins, le tout bien consideré, je vous supplie de ne point vous haster, car peut estre serois-je marri que vous fussiés exaucé. Il y a cles ferveurs qu'il est bon de suspendre. Tout ce que vous pouvés faire, Monsieur, et que je ne revoquerei jamais, c'est de faire connoistre, à S. A. R. que, comme les genies sont differents, et les talents cles esprits tres divers, les uns en ont pour le stile serieux, et succinct, et les autres pour le stile gai, et etendu. Vous luy dirés encore, s'il vous plaist, que ceux ci sont plus pro– pres à escrire que !es premiers, parce qu'ils divertissent, et ceux à qui ils escrivent, et eux mesmes, et il est certain que le divertissement, et le plaisir assaisonent agreable– ment le discours. Ce n'est pas assés, qu'il ait cles os, et cles nerfs, il faut luy donner de la peau, et de l'embon-point. Que s'il vous plaisoit, encore, d'y adjouter, que ceux qui escrivent souvent, beaucoup, et cles choses agreables, et jamais d'importunes, aiment, et honorent beaucoup, vous consommeriés les obligations que vostre generosité, et vos bons offices ont depuis si long temps acquises, Monsieur, sur vostre tres humble, tres obeissant, et tres obligé serviteur en N. S., D. A. Bailly».