- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/1987
54 M. Lengereau Piémont, jadis centre d'un Etat transalpin que dominaient une cour et une aristocratie francophones tout autant à leur aise à Turin qu'à Chambéry. Dans une de ses lettres, A.-P. d'E. fait ressortir le carac– tère non méditerranéen, non péninsulaire, du Piémont (et de la Lom– bardie), que l'an a trop tendance à négliger quand on parle de l'Italie. Dans une autre lettre, il écrivait: «Compatriote et lointain parent de Joseph de Maistre, j' espère ne pas lier mon nom à une philosophie aussi sévère que celle de mon arrière-arrière-arrière grand-onde... ». Peut-etre demeurait en lui une secrète nostalgie de l' époque du duché de Savoie ou encore des Etats sardes, au sein desquels le Val d'Aoste, tout aussi éloigné de Rome que de Paris, évoluait sans alié– ner ses coutumes ni sa langue. San attachement à la Vallée tient éga– lement à un enracinement familial incontestable qui remante à plusieurs générations et qui ne s'est sans doute jamais traduit uni– quement par la propriété de quelques chateaux. Par rapport à Frédéric Chabod, dont il s'est assurément toujours déclaré solidaire, il me parait (mais je puis me tromper) qu'A.-P. d'E. - sans doute, il lui survécut 25 ans- fut constamment en commu– nication (j' allais écrire: en communion) plus étroite avec la Vallée. Frédéric Chabod s'était éloigné d'elle, de meme que de la langue fran– çaise, entre les deux guerres, au cours de sa carrière universitaire qui se déroula dans la péninsule. San role en 1945-1946 sur le devant de la scène dura longtemps, fut assez tranchant, lui valut beaucoup d'animosité (par exemple le 7 et le 26 mars 1946). La série de cours qu'il dispensa sur l'Italie contemporaine à l'Institut d'Etudes Politi– ques de Paris en 1950, d'ailleurs en langue française, ne comportait pas la moindre allusion à sa région natale. Tout au contraire, A.-P. d'E. me semble avoir su rester davan– tage en prise directe avec la Vallée et avec les Valdotains, s'incliner rapidement devant la force des événements (ainsi le 18 mai 1945), chercher; non pas à couper les ponts, mais à construire des ponts, à dialoguer (entreprise du journal). Certes, il lui arriva - c'est de benne guerre- d'etre conspué (avec F. Chabod à Chatillon), de deve– nir la cible de la propagande adverse (tract séparatiste intitulé: «L'auto– nomie est une farce»), de s'attirer l'hostilité et la rancune tenaces
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