- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/1991
La [emme dans la culture issimienne 437 ses belles-soeurs qui étaienr de Gaby ainsi que le piémonrais, car l'on répète encore à Issime des boutades dans cet idiome qu'on lui attribue. · Probablement, elle n'avait fréquenté l'école que pendant trois ou quatre hivers de sa vie et son institutrice ne disposait d'aucune de ces chinoiseries audio-visuelles donr on a raffolé dernièrement en Vallée d'Aoste. Pas de «Méthode Frère Jacques» avec les chiens et les chats de Mme Michaud, pas de «France en direct» avec les orangea– des que boit Jacques chez son ami des Champs-Elysées, mais une vraie langue qui répondait à ses besoins. Une langue qui lui permet– tait de qualifier de malsains les souterrains du Gothard et de dire à son fils «je te prie et je désire»; cette expression renfermant soit une requete, soit un ordre voilé d'une grande affection. I.:on ne parlait pas de féminisme à l'époque, mais il est facile d'imaginer le poids que devaient avoir dans la conduction du ménage familial des fem– mes de ce genre qui, loin d'avoir la main sur le coeur pour défendre leurs droits et leurs priorités, avaient tout simplement le coeur sur la main et savaient «prier et désirer». Et encore, la main qu'elles tendaient vers leurs enfants contenait tout ce qu'elles savaient faire. Dans sa lettre, mon a!eule offrait à son fils le blanchissage de son linge et un lit pour dormir, c'est-à-dire ce qui n'aurait pesé que sur son dos; les maigres ressources de la famille ne lui permettant pas d'offrir aussi la nourriture, chacun devant tra– vailler pour se la procurer! Si la vie était dure pour cette Marie Dandrès qui avait quand meme un mari et des enfants portant de l'argenr à la maison, il en était d'autres dont la vie était encore bien plus difficile. Je sais d'une fille qui avait eu un enfant de fortune et à qui la famille reprochait conrinuellement ce petit etre en plus à nourrir. C'était vers la fin du siècle dernier et, lasse de reproches, cette fille, qui se nommait Ma– rie elle aussi, s'était procuré un fusil qui pouvait etre démonté. Les gens du village se demandaient bien qu'est-ce qu'elle pouvait aller faire la nuit dans le vallon de Sainr-Grat, sa hotte sur le dos. Eh bien, elle allait à la chasse et sa hotte, lorsqu'elle montait, conrenait son fusil en pièces détachées et, lorsqu'elle rentrait le matin, le gibier qu'elle avait pu se procurer. J' en ai encore parlé cet automne dernier
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