- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/1997

314 Lin Colliard noine Vasier, si aimable, qui nous alléchait par ses savoureuses histo– riettes et qui, par surcroit, avait à nos yeux enfantins, un mérite incontestable: il se faisait comprendre, car il s'exprimait .. . en italien! Hélas! il faut bien le reconnaitre; enfants de notre époque, nous avions de la peine, après vingt ans d' ostracisme linguistique, à com– prendre la grandiloquence du bon Durand! J'ai jugé convenable de rappeler ces faits, pour mieux saisir le cli– mat d'une époque. Cela dit, passons maintenant à l'histoire propre– ment dite: elle se résume dans un seul mot, fatidique: Machaby. Notre histoire, en effet, débute ici. Le 5 aolit 1954, je me rendis, avec ma famille, selon une coutu– me remontant à mon enfance, à la fete patronale de ce célèbre sanc– tuaire "national" de la Basse Vallée. Aux vepres, le sermon du cha– noine Durand, marqué au fil d' un vigoureux patriotisme religieux et valdòtain, me frappa, m'émut, me captura. J'avais maintenant vingt ans, et ma compréhension du français s'était entretemps accrue. De retour chez moi, j' eus la belle présomption d'écrire une lettre gratu– latoria à l'éminent orateur. Cette lettre tomba entre les mains du sénateur avocat Ernest Page qui, à mon insu, la publia telle quelle dans "Le Pays d'Aoste" du 10 septembre 1954, sous ce titre inou·i La ]eune Vallée d'Aoste qui renait. En meme temps, les deux personnages manifestèrent le désir de me connaitre. Vous pouvez imaginer ma confusion et mon étourdissement; une crainte terrible me saisit. Grace surtout à mon père, j'étais parvenu à comprendre età écrire passablement le français ; mais quant à le parler, sunt lacrimae rerum; un embarras insurmontable m'empechait de causer français avec papa; ce qui s'explique psychologiquement. J'avais, d'ailleurs, suivi tous mes cours, moyens et supérieurs, hors de la Vallée, à Ivrea. Comment clone oser me présenter chez Page et Durand, avec mon pauvre français digne "d'une vache espagnole"? Colite que colite, je pris mon courage à deux mains et, par un splendide après-midi de septembre, je fis retentir timidement la clochette de ce francescano ostello célébré par le poète de Chambave Nino Maralla et situé à l'ombre du célèbre tilleul. Durand vint m' ouvrir ... Au lieu du tam– quam leo rugiens quaerens quem devoret, que je m'attendais, je me trouvai à la présence d'un pretre, très modestement habillé, souriant,

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