- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/1997
Maxime Durand fl·ente ans après 315 qui me reçut fort aimablement, avec une politesse exquise. D'un geste affectueux, il m'accompagna dans son pittoresque salon qui, à vrai dire, dans son dénouement extreme, avait plutòt l'air d'une cel– lule d'un moine du Mont-Athos, à l'exception de cette énorme table ronde surchargée jusqu'à l'invraisemblable de livres, de papiers, d' ob– jets disparates, qui rappelait singulièrement la table de travail de l'Antiquaire de Walter Scott. Durand m'entretint pendant deux bonnes heures, causant, à mon exemple, en italien, "de rout un peu". En sortant, il me prit le bras, et d'un ton sérieux, avec cet accent que notre ami le chanoine Aimé Chatrian, seui, est à meme d'imiterà la perfection, il me dit: «D'ora innanzi con me, parlerete soltanto fran– cese». Je fus ébahi! Mais depuis ce jour, mes conversations avec le chanoine se déroulèrent exclusivement en français. Pendant quelque temps, M. Durand devint mon maitre de langue française, un maitre incomparable, camme ill'avait été pour tant d'autres élèves. Il rem– plit cette tàche avec une délicatesse, un dévouement, une précision, un désintéressement rotai, qui souvent m' émurent. C'est à travers certe fréquentation assidue que je parvins à mieux comprendre et à apprécier son caractère. Fils unique, orphelin de sa mère à la fleur de l'àge, Durand demeura au fond, pendant toute sa vie, un solitaire; c'est dans la solitude qu'il forgea sa personnalité: vivace, mais généreuse; primesautière mais point rancunière; com– bative mais chevaleresque, souvent cinglante, jamais sanglante. Cet aspect du professeur, du francesista n'a pas, ce me semble, retenu suffìsamment jusqu'ici l'attention de ses biographes. Durand a été un excellent professeur; lecteur attentif et intarissable, il connaissait certe langue dans son tréfonds; j' oserais avancer qu'il avait à cet égard un véritable charisme. Il possédait ce noble parler dans routes ses subtilités, dans son développement hisrorique, dans ses archai:smes camme dans ses néologismes, dans ses rournures baroques ainsi que dans ses expressions classiques et dans ses idio– tismes. Il est un texte au titre fort suggestif: Ne baragouinons pas notre langue materne/le, 1 qui demeure emblématique à ce sujet. Cet essai n'a rien perdu de son actualité. On retrouve là l'aurodidacte Durand 1 Cf. BASA, XXXVJII, Aoste 1961, pp. 297-305.
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