- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/1997

Maxime Durand trente ans après 317 Je l'ai déjà affìrmé et je le répète encore: Durand était un per– sonnage quelque peu paradoxal; quelqu'un l'a jugé méme "contra– dictoire". Il y a là, à mon sens, plus d'apparence que de réalité. Pour autant que je l'ai connu, je n'arrive pas à soutenir cette dernière opi– nion. Je m'efforcerai de le prouver par quelques exemples. Tout le monde conna!t son engouement, son enthousiasme pour Louis Veuillot. Cela a suffi pour l'étiqueter comme un formidable réac– i:ionnaire. Certes, de Veuillot, cet "enfant terrible" du conservatisme– clérical français du XJXc siècle, Durand admirait la vigueur du style, la force de l'argumentation, la richesse de la pensée, l'ardeur, l' éner– gie, la puissance, voire la véhémence, du journaliste et du polémiste. Il se sentait, par la forme, assez proche de lui. Faudrait-il en conclu– re que Durand était par cela méme un réactionnaire? Nenni-da, répondrait notre chanoine. S'il prisait fort un Joseph de Maistre et un Chateaubriand, il esti– mait au plus haut degré un Victor Hugo, voire un Paul-Louis Courier. Savez-vous que la première fois que j'ai entendu parler (et en cles termes élogieux) de Paul Léautaud, ce fut précisement chez Durand en 1956, à l'occasion du décès du venimeux critique litté– raire du "Mercure de France" ? Tout cela, à mon avis, dépose hautement en faveur de la perspi– cacité, de l'intelligence culturelle, de l'ampleur de vue d'un homme, d'un lettré, pour qui l'admiration inconditionnée du génie littéraire, l'emportait souverainement sur toute barrière idéologique. Où sont-elles "les neiges d' antant"? Me répétait-il souvent! En s'écriant ainsi, il ne se rapportait guère à Villon, mais à ses auteurs préférés, au bon sens pragmatique de Montaigne, au gros rire, plein de sagesse, de Rabelais, à la fine ironie d'un Anatole France, bref, de ces auteurs desquels Durand s'inspirait, en tant que "maìtres de vie et du laisser vivre". En fait, rien ne lui était plus étranger que l'esprit apodictique, que la disciplina ferrea, que toute organisation "organisée". Anarchiste clone? Pas le moins du monde! Passablement anticon– formiste, esprit libre, ça oui! S'il vivait à notre époque, où tout est férocement réglé, jusqu'à friser parfois l'absurde et le ridicule, où tout est si faussement sérieux, où l'on échange bien souvent les banalités

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