- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/2003

74 Saverio Favre En effet, on jouait ces pièces les trois jours de carnaval (le di– manche; le lundi et le mardi gras). Les acteurs, qu'on appelait li mai, les masques, à cause de leur déguisement, étaient tous cles hommes de la Plaine, c'est-à-dire cles habitants cles hameaux de Périasc, Tro– chey, Meytére, Cornu et Corbet, lesquels revendiquaient la proprié– té de l' reuvre. Ils se déplaçaient pour porter leur représentation aux différents endroits de la commune et ils étaient meme descendus jus– qu'à Brusson. À cette occasion, les habitants d'Extrepiéraz avaient sonné les cloches s'écriant « le morechque! », les masques. Ils trans– portaient leur équipement sur cles luges tra!nées par cles mulets avec cles grelots. La scène était normalement la place du village, occasion– nellement une grande salle. Pour la représentation, on avait besoin d'un nombre considérable d'acteurs : il fallait représenter le Bon Dieu, l'Antéchrist, les anges, les diables, les ames damnées, les sol– dats, les prophètes, etc. C' était un engagement remarquable par rap– port aussi au nombre réduit de la population de ces villages. Le role de la Sainte Vierge était tenu par un homme, car les femmes n'étaient pas admises. Les acteurs se réunissaient dans une étable et répétaient pendant tout l'hiver; chacun recopiait le texte concernant son propre role. Certains d'entre eux, ayant joué plusieurs fois un role impor– tant, étaient affublés d'un sobriquet tiré du personnage qu'ils incar– naient; ainsi, meme en dehors de la commune, un certain Favre était connu comme le Bon Dieu d'Ayas et un certain Béchaz était devenu l'Antéchrist d'Ayas. Pour se déguiser, ils utilisaient cles masques et cles costumes qu'ils préparaient en famille ou, plus rarement, avec l'aide d'un tailleur. Le Bon Dieu avait un manteau rouge et la couronne, plus ou moins comme l'Antéchrist; le diable avait une peau de chat sur la tete avec deux cornes de mouton ou de chamois, une queue de mulet et le tri– dent ; les anges étaient habillés en blanc avec cles ailes, les soldats por– taient de vieux uniformes. I..:équipement comprenait aussi cles sabres et cles fourches en bois, cles cha!nes, une balance où l'on pesait le bien et le mal commis par les ames. Ces pièces ont été délaissées depuis longtemps : d'après certains témoignages, l'Antéchrist aurait été joué jusqu'en 1946, tandis que la dernière représentation du Jugement remonterait à une époque eneo– re plus lointaine.