de Saint Anselme Nouvelle Série - Académie

256 Laura Ghiosso La lettre reproduite ci-dessous, 6 datable de 1619, est adressée au due Victor-Amédée le' san mari. Christine de France n'a que treize ans. «je receu votre lestre et ay veu camme vous estes bien enpaine de monmal qui n'est pas grand. Les medecin [sic] vous menderons ce qui en est. Je ne menqueré de faire pour l'amour de vous tout ce qui cera besoin pour ma guerison en nadent [en attendant] que j'aye le bonheur de vous voir que vous prie de me continuer votre amitié vous assurant que s'est ce qui me peut gueri et non point d'autre remede , je vous prie de le vouloir croyre car s'est ce que j'estime le plus en ce monde et que vous me croyés comme je suis veritablement vostre tres humble servante. De Turin ce XXVIII de juillet>>. La ponctuation est absente ; les phrases et meme les mots se sui– vent sans interruption: enpaine, monmal. La duchesse écrit je receu pour j'ay receu, alors que, juste après, elle utilise correctement le passé composé (voir j'ay veu). Elle oublie sou– vent l'auxiliaire devant les participes passés de recevoir et de vouloir. Selon l'usage encore courant à l'époque 7 , elle maintient la voyelle éty– mologique en hiatus : receu, veu. La transcription du san nasa! [a] est souvent en, meme là où l'éty– mologie a imposé la graphie an : menderons, menqueré pour manque– rons, manquere[z}. Madame Royale utilise volontiers le graphème en, et on remarquera qu' elle indique la production d'un n explosif dans la séquence en natendent, où un san nasa! précède un mot commençant par voyelle. La représentation graphique de la fricative sourde ne correspond pas toujours à l'usage courant ; le graphème s est employé dans cles cas où la norme prévoit l'utilisation de -c- (reseu, s'est pour c'est) et vice– versa (ce qui cera besoin). 6 AST, Corte, Lettere duchi e sovrani, m. 58, fase. 3, no l 04. 7 Au sujet de la tendance à la suppression de l'ancien e en hiatus, cf. LISELOTTE BIE– DERMANN-PASQUES, Les grands courants orthographiques au XVI!' siècle et la formation de L'orthographe moderne, Tiibingen, Max Niemeyer, 1992, p. 398.