de Saint Anselme Nouvelle Série - Académie
330 Gianni Mombello defaut cles paroles. Voilà comment les Italiens soutiennent le panchant naturel qu'ils ont pour les figures. J'ai eté le raporteur de leurs raisons, il faur que je le sois de celles cles François. Ils sont naturellement prompts, & ont un langage court, & animé; & c'est pour cela que la briéveté leur plait; leurs esprits, leurs langues, & et leurs mains, pensent, expriment, & font toutes choses vite. La longueur n'est point de leur caractere, & c'est pour cela qu'ils ne sçauroient souffrir les periodes qui sont trop longues; ils n'aiment pas aussi les Metaphores hardies, les descriptions, & les Hyperboles excessives. En un mot ils ne s'accommodent pas de toutes sortes de figu– res, car il en est qu'ils ne rebutent pas toujours, & ce sont les naturel– les: mais pour les figures étrangeres, & affectées qui sont les ouvrages de l'Art, & qui s'enseignent dans les Ecoles, ils ne s'en servent que rare– ment, & emploient celles qui ressemble[n]t aux naturelles, c'est à dire qui peuvent etre naturalisées, & se revetir d'un caractere naturel. Enfin ils croient que la veritable éloquence se soutient par le sens propre, & qu'elle perit souvent dans le figuré, camme la nature corrompt san caractere, & cesse en quelque façon d'erre nature quand l'Art se mele de la parer, camme un Peintre gateroit une belle rose, s'il appliquoit, & mettoit sur l'incarnar de ses fei.iilles un rouge étranger, quand il seroit le plus éclatant du monde. Ils prennent Saint Paul pour garant de leur opinion, & disent que cet Apotre le plus éloquent cles hommes, s'est servi quelquefois dans ses Epitres, de figures naturelles, mais jamais de celles qui viennent de l'Art, & c'est Saint Augustin qui leur a fait remar– querce ménagement de l'Apotre, par ces belles paroles: Nullus dixerit more Sophistarum pueriliter, & consulto figurasse orationem suam: tamen multis figuris distinta est, quapropter sicut Apostolum prcecepta eloquen– ti&, id est Rhetorices, non secutum esse dicemus, ita quod eius sapientiam secuta sit eloquentia, non denegamus. 21 Après l'Apotre, les François alle– guent et prennent Saint Augustin meme pour Protecteur de leur 21 Sancti Aurelii Augustini, De doctina Christiana [cura et studio J. MARTIN]. De vera religione [cura et studio K.-D. DAUR], Turnholti, Typographi Brepols Editores Pon– tificii, 1962 (<<Corpus Christianorum», series Latina, XXXII, Aurelii Augustini opera, pars IV, l), p. 123, livre IV, chap. VII, § 11. Seule la dernière partie de cette citation est présente dans cette édition: <<Sicut ergo apostolum praecepta eloquentiae secutum fuisse non dicimus, ita quod eius sapientiam secuta sit eloquentia non negamus».
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