de Saint Anselme Nouvelle Série - Académie

Le discours prononcépar M gr Albert Bailly 333 ajoùte que devant ces changemens, ces deux langues n' etoient point differentes, qu'elles avoient un meme caractere de beauté, & qu'en– fìn elles se ressembloient entierement: la raison qu'il en appone, est qu'elles etoient Filles de la langue Latine. Lingua latina mater Italic&, Gallic& et Hispanic&. 28 D'où il faur inferer pour entrer heureusement dans le sujet de l'union des deux langues, qu'elles est bien facile cette union, puis qu'il suffìt à ces deux langues de sçavoir qu'elles sont Fil– les d 'une meme Mere, & qu'ainsi erant Sceurs, elles doivent s'aimer, & vivre de bonne intelligence, à l'exemple de deux Sceurs nées d'une meme Mere, qui bien qu'elles aient des beautés differentes, ne sont pas pourtant dispensées de vivre en l paix, & de se vouloir du bien. Chacune d 'elles peut prendre soin de perfectionner sa beauré parti– culiere, mais elle ne doit pas faire insulte à l'autre, & se preferer à elle. Il en est de meme de nos deux langues; qu'elles aient à la bonne-heure parla corruption des temps, des pensées, & des expressions differen– tes, je les estime egalement belles; mais que ceux qui les parlent tra– vaillent à les embellir, & non pas à disputer entre eux de pureté, ni pretendre avoir de l'avantage les uns sur les aurres. Et voilà la fin de M .R. Elle a fondé cette Academie pour y unir la langue Françoise, & la langue ltalienne: & cetre union consiste non pas à leur faire chan– ger leur maniere de penser, & de parler, mais seulement à polir leurs paroles, & leur pensées. O iii certe sage Princesse a établi cette Acade– mie pour perfectionner ces deux langues, & pour les rendre égale– ment, quoique diversement, belles; afìn que par cette ressemblance de perfections elles se reconnoissent pour sceurs; qu'elles s'aiment, & qu'elles travaillent à augmenter leurs beautés, & non pas à en faire des originaux, & meme des Idoles pour les adorer. Elle ne veur pas que son Academie soit un champ de bataille où ces langues combattent à ourrance, mais sa volonté est qu'à l'exemple de l'Academie d'Athenes d'où le bruit étoit banni, la sienne soit le tempie de la Concorde, & une Ecole d'Eloquence, où ces deux langues par une noble émulation, fassent toute les diligences possibles pour se perfectionner à l' envi l'une de l'autre. 28 Cf. la note précédenre.