de Saint Anselme Nouvelle Série - Académie
360 Geneviève H aroche-Bouzinac Les lettres qui livrent ainsi cles faits sans autre commentaire méri– tent parfaitement l'appellation de chronique qui leur est donnée par nos éditeurs. "Chroniques" plus que "lettres de relation" car la relation impose une certaine mise en forme esthétique, un art de l'amoree, du suspens et du développement que ne met pas toujours en ceuvre le père Bailly: il n'est conteur qu'à ses heures, et réserve la fioriture à d'autres usages que le simple récit. Son attitude d'observateur s'efforce à une certaine neutralité : il ne cherche guère les effets. Ce sont cles qualités de journaliste et d' enquè– teur qu' on attend de lui à la cour de Savoie : discrétion, intelligence cles signes, minutie dans la description cles faits, fidélité dans le rap– port cles paroles prononcées. Le père Bailly est avant tout un informa– teur. En politique, afin d'anticiper, mieux vaut ètre bien renseigné. En fidèle intermédiaire, le père Bailly livre les faits sans opérer de sélec– tion, en vrac et il s'en explique : <<]e ne consulte ni morale, ni politique quand j'escris à VA.R. je ne regarde que le commandement qu'elle a daigné me faire de luy man– der toutes sortes de nouvelles, me reposant sur son incomparable prudence du discernement de ce qui merite que vous sçachieés et des choses qui n'en sont pas dignes». 2 Albert Bailly n'est pas seulement chargé d' observer, il do it aussi favoriser certains projets tout en restant à sa piace: éviter les manoeu– vres imprudentes, protéger san altesse royale cles humiliations qu'en– traìneraient cles démarches prématurées. Engager les uns, les autres à contracter ces alliances conjugales dont dépend toute la politique de l'Europe, telle est sa mission. Les souverains d'Europe à la fin du XVII e siècle vivent de gioire et de réputation. A cet effet, Albert Bailly préfère diffuser cles compli– ments, enjoliver l'image cles partis qu'il soutient plutòt que de flétrir les adversaires. O n ne peut le soupçonner de vouloir envenimer les cho– ses. Ne jamais chercher à nuire volontairement à autrui, telle est sa règle: << il faut faire de bons offìces et jamais de mauvais » affìrme-t-il. 3 Bailly 2 385, T. 6, p.265. 3 16, T. I, p. 90.
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