de Saint Anselme Nouvelle Série - Académie
70 Luca Giachino À Paris, le contròleur des décimes du diocèse et trésorier général des offrandes, aumònes et dévotions du Roi, François Chapelain, avait une épouse, Madeleine Gardé, jeune, séduisante et passionnée de sor– cellerie et de poisons. Charpy, agé de soixante ans, succombe au charme de la jeune femme. On ne connaìt pas les raisons exactes de son geste; toujours est-il qu'au mois d'aoùt 1679, la belle Madeleine décide d' empoisonner Sainte-Croix, peut-etre pour s'emparer de son argent ou pour avoir été découverte avec un autre amant. Au cours de l' enquete qui a suivi, les personnes interrogées ont rendu des témoignages troublants (qu'il faut sans doute minimiser) : Charpy aurait fréquenté des pretres excommuniés qui célébraient des messes noires et égorgeaient des nouveaux-nés ; selon Élisabeth Simon, une sorcière, la Chapelain avait eu « commerce d'amourette avec l'abbé Charpy » ; plus explicite, La Filhastre, une autre empoi– sonneuse, avait précisé qu' « ils avoient été bien ensemble, et Charpy couchoit avec elle » 63 • * * * Les ressemblances entre Nicolas Charpy de Sainte-Croix et le per– sonnage de Tartuffe sont telles que Paul Emard a déduit que Molière s'était probablement inspiré des manigances du premier pour écrire la plus controversée de ses pièces. Une ressemblance constitue-t-elle pour autant une preuve? S'il est vrai que le dramaturge s'inspirait souvent d'anecdotes et de personnages réels et que dès les premières représen– tations les spectateurs s'étaient lancés sur les traces du « vrai » Tartuffe, il est tout aussi vrai que d'autres « originaux » ont été proposés : le mar– quis de Fénelon, le comte d'Abon, le baron de Renty, et surtout l'abbé de Pons, un soupirant de Ninon de Lenclos, grand hypocrite, quifaisoit l'homme de qualité et n'estoit quefilz d'un chapellier de province [ .. ] ; c'est un drosle qui de rien s'estoitfait six à sept mille livres de rentes; c'est l'origina! de Tartuffe car un jour il luy declara sa passion ; il estoit devenu amoureux d'elle. En traittant 63 P. ÉMARD, Ttzrtujfè, sa vie, son milieu et la comédie de Molière, op. cit., p. 180.
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