- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/2012
PAOLO PAPONE croire que la plume de l'éveque se soit laissée emporter par la rhétorique du sacrifice; cependant Eucher parait sincère, puisqu'il ne craint pas de relater la voix populaire qui célèbre le martyre à Soleure des deux thébéens Ours et Victor, ce qui dérange le récit principal, par le démenti de l'anéantissement de la Légion angélique et par l'ho– monymie des deux Victor 11 • Ces notes ne tranchent pas la question de l'historicité; simplement, le problème se déplace avant la Passio d'Eucher, où la possibilité de vérifier se perd. En tout cas, la Passio d'Eucher figure dans une liturgie d'Agaune à la fin du V siècle, et sa conclusion est reprise par Avitus de Vienne déjà en 515, ce qui prouve qu'elle devint très vite le récit universellement accepté 12 • Saint Solutor, le martyr thébéen, patron de Fleuran Dépendant de la Passio d'Eucher, et sans doute postérieure au Martyrologe hiérony– mien (débur du VJ< siècle), une autre passio raconte la fuite d'Agaune de Adventor, Octave et Solutor jusqu'à Turin, où il sont attrapés; Octave et Advenror reçoivent le martyre dans la ville, tandis que Soluror, plus jeune et plus rapide (« cursu tarn rapi– dissimo »), bien que blessé par un coup de lance, parvienr à s'enfuir jusqu'à lvrée (au lieu-dit Caravino 13 ), où il se cache, mais il est trahi, découvert et décapité; une matrone chrétienne, Julienne, n'hésite pas à sower les bourreaux pour qu'ils avouent où se trouve le corps de Solutor; elle le récupère donc et le rarnène à Turin, en le réunissant à ses deux compagnons, après quoi elle fait batir sur leur sépulcre une chapelle, que l'éveque Victor agrandira jusqu'à en faire une basilique, vers la fin du V siècle 14 • À propos de ces trois martyrs, il faut remarquer que leurs premiers témoins ne connaissent pas leur appartenance à la Légion thébéenne, dans laquelle ils ne semblenr enròlés qu'après la parution de la Passio d'Eucher: à vrai dire, cette dernière offrait une histoire plausible et glorieuse à tous les martyrs locaux donr on ne gardait que le nom, pourvu (contre Eucher) qu'on leur fasse fuir le massacre d'Agaune 15 • En effet, le Martyrologe romain accueillera la version thébéenne des trois martyrs turinois: « Taurini sanctorum marty– rum Octavii, Solutoris et Adventoris, Thebanae legionis militum, qui sub Maximiano imperatore egregie decertantes martyrio coronati sunt » 16 • Une nouvelle rédaction de Musumeci, Aoste 1975, p. 33-44, 104 (MLEA, III}; R. AMIET, Repertorium Liturgicum Augustanum, Musumeci, Aoste 1974, p. 242-244 (MLEA, I). 11 « Ex hac eadem legione fuisse dicunrur etiam illi martyres Ursus et Vicror, quos Salodoro passos fama confìrmat », c( ALESSIO, op.cit., p. 5-15. 12 THURRE, op. cit., p. 20 et note 26, p. 316; note40, p. 317. 13 J.-M. HENRY (abbé Henry}, Histoire populaire religieuse et civile de la Vallée d'Aoste, lmprimerie Catholique, Aoste 1929, p. 14. Pour ce qui est de la relation enrre Soluror et le lieu-dit Caravino, c( G. DESTEFANIS, l martiri soldati della Legione Tebea, Melli, Borgone di Susa 1990, p. 260-262. 14 ALESSIO, op. cit., p. 34-40. C( CENTINI, op. cit., p. 52-55. 15 Alessio parvient à recenser 481 martyrs thébéens au Piémont (op. cit., p. 21-23). 16 Martyrologium Romanum adformam editionis typicae scholiis historicis instructum, dans Propylaeum ad Acta Sancto– rttm Decembris, Bruxelles 1940, p. 534-535; MR, ad di. 20 nov., p. 291. 16
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