- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/2012

LES MARTYRS DE LA LÉGION THÉBÉENNE : HISTORIQUE DU CULTE EN V ALLÉE o'A OSTE Saint Grat: origines du culte Rien d'étonnant si saint Grat a suivi saint Maurice dans le projet idéologique de la maison de Savoie sur le Val d'Aoste, qui visait à réduire les pouvoirs locaux età réu– nir les sujets dans l'unité de la foi, de la patrie et de la fidélité politique. En effet, l'astre de saint Grat, qui deviendra le patron du diocèse d'Aoste, se lève peu avant que la puissance de la maison de Savoie ne s'affirme dans la Vallée, surtout avec Pierre II (dès 1263; le siècle précédent avait vu un engagement important pour maitriser la route du Montcenis), qui en réorganise le contrale administratif9 2 • Si évidemment nous ne voulons pas affirmer que le culte de saint Grat est une création de la maison de Savoie, nous percevons cependant que cette dernière a su intégrer le saint patron dans sa propre idéologie, comme elle l'avait fait avec saint Maurice et les martyrs de la Légion thébéenne. Le missel de Brusson témoigne qu'au XI< siècle déjà, l'éveque Grat était vénéré comme saint; les sceaux des éveques d'Aoste Jacques (1213-1219) et Boniface (1220-1243) le représentent avec l'inscription « Sanctus Gratus Augustensis episcopus >>, ce qui in– dique la renommée du personnage 93 • Si on considère que la fete de la Translation des reliques de saint Grat (27 mars) para!t déjà dans le Martyrologe de la Cathédrale, qui est antérieur à 1311, et que le style du reliquaire nommé "le grand bras de saint Grat" dénote les années 1220-1230, on pourrait avancer l'hypothèse que la translation des reliques (sans lesquelles on ne peut pas avoir de reliquaire) de saint Grat ait eu lieu un peu avant la relevatio de saint Maurice 94 • Selon le chanoine Jean-Louis Vaudan (1549), saint Grat e saint Ours furent canonisés le meme jour et leurs reliques furent relevées et honorablement placées, les unes à la Cathédrale, les aurres à la Collégiale 95 • Les deux bras reliquaires, de saint Grat et de saint Ours, qu'on date vers 1220-1230, peuvent soutenir l'affirmation de Vaudan 96 • 92 A. CELI, La Seignmrie, dans Les institutions du millénaire, cit., p. 304-307; ].-G. RlvouN, G. RODDI, Le Baillage, ibid., p. 13-16. 93 Fonti, p. 8, note 2; pour le sceau de l'éveque Boniface, cf. A. SAINI, Quelques sceatiX des docttments et chartes des ar– chives d'Aoste, dans Mélanges historiques et agiographiques valdotains (Miscellanea augustana) Il, ITLA, Aoste 1953, p. 386 (reproduction à la p. 393). En ce meme Xli' siècle le Chapitre de Sainr-Maurice d'Agaune eut son sceau représentanr saint Maurice à cheval, cf. THURRE, op. cit., p. 32. 94 E. Rossr:rr1 BREZZI, Le vie delgotico in Valle d'Aosta, dans G. RoMANO (par les soins de) , Gotico in Piemonte, Cassa di Risparmio di Torino, Torino 1992, p. 297, didascalie et note 29; BRUNOD, GARINO, La Cattedrale... , cit., p. 421; SERGI, TUNIZ, op. cit., p. 122, planche 124. 95 J.-L VAUDAN, Catalogus reverendissimomm premlum civitatis Auguste Pretoree: « Beatus Gratus, postquam ab hu– manis ablatus est, sepelitur in basilica erecta in honorem Sancti Petri Aposrholli extra muros civitatis Auguste pre– toree, iuxta thumulum divi Ursi confessoris, qui temporibus Ploceani episcopi quondam claruerat, qui, miraculis attestanribus, fuerunr ambo uno die canonizati, unde corpus beati Grati fuit solemniter traslarum ad ecclesiam maiorem Sancte Marie, cui dum in humanis ageret digne prefuerat. lnsuper corpus divi Ursi in eodem cenobio quo presidebat honoriffice conditum extitit. lnde lapis sepulchri beati Grati fuit traslatus ad infermeriam Lazarorum, Maladerie vulgariter nuncupatam, in qua est erecta ad presens una cappellania in honorem beatorum Lazari et Magdalenes, que est unita mense episcopali » (Fonti, p. 254-255). 96 Pour les reliques et les reliquaires de saint Grat, cf. P.-É. Due, Culte de Saint Grat, éveque et patron du Diocèse d'Aoste. Reliques de S. Grat et de ses atiXiliaires, Imprimerie Sainr-Joseph, Turin 1896, p. 10-40. Pour le bras reii- 35