- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/06/2012
JosEPH-CÉSAR PERRIN D'ailleurs, il suffit de voir son attitude à l'égard de la pensée politique de Jean– Baptiste de Tillier- qui fut l'un cles grands centres d'intéret culturel de notre ami - pour s'en rendre compre. Tout en reconnaissant la grandeur du penseur et de l'historien qui s'était battu pour faire survivre l'État intramontain et pour perpétuer la personnalité collective valdotaine, Colliard n'hésitait pas à affìrmer que « la forme de l' ancienne autonomie, telle que J.-B. de Tillier l'avait envisa– gée, c'est-à-dire comme une entité nécessairement liée aux structures de la monarchie féodale, ne pouvait plus etre proposée; elle avait réellement fait son temps » 14 • .Lanalyse de l'attitude de De Tillier à l'égard cles libertés valdòtaines au moment où le centralisme piémontais ceuvrait pour les écraser est encore mieux précisée dans l'un de ses derniers travaux sur cet historien, l'édition critique cles Chronologies du Duché d'Aoste 15 où nous lisons: « De Tillier, très lié à l'ancienne forme de gouvernement local au cachet in– dépendantiste, quoique encore féodal, s'attristait devant cette situation, pré– voyant la fìn imminente de l' ancienne organisation institutionnelle valdòtaine et, par un admirable acte de courage, compre tenu des circonstances, il s'en fìt le défenseur acharné. Il devint ainsi le defensor patrite par excellence, le paladin de ses libertés, privilèges et franchises, sans réaliser, par ailleurs, que ceux-ci et quant à leur forme et quant à leur substance, avaient fait leur temps et étaient devenus anachroniques. C'est là assurément, au plan politique, le point faible du système de notre auteur, qui n'a certainement pas eu la possi– bilité de discerner «le signe cles temps». D'ailleurs, étant donné sa forma mentis de conservateur enteté, comment aurait-il pu accepter cette éventualité ? Voilà la contradiction de fond qui domine son système politique ». Cette critique nous fait comprendre que Colliard, tout en nourrissant un profond amour pour ce que de grand et de bon le passé nous avait légué, n'acceptait pas une répétition tout court cles temps révolus. Au contraire, nous l'avons déjà vu, il regardait loin, à un avenir fédéraliste, car la pensée et la culture autonomiste valdò– taine devaient etre le prélude d'un État nouveau qui, dans le respect cles « petites patries », puisse dépasser les égo'ismes locaux et nationaux pour aboutir à l'Europe: 14 L. COLLIARD, La persistance de l'idéal autonomiste et de la pensée historiographique de f-B. de Tillier, aux XVII!' et XIX' siècles, in BASA, XLI (1964), p. 328. 15 J.-B. DE TILLIER, Chronologies du Duché d'Aoste. I dignitari ecclesiastici e le autorità civili del Ducato di Aosta, 2 voli., a cura di L. Colliard, Pavone Canavese, Priuli & Verlucca, 1994, p. XXXIX. 94
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