- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/06/2012

JosEPH-CÉSAR PERRIN On remarque dans sa vision européiste l'empreinte d'Émile Chanoux et du cha– noine Joseph Bréan, ses maìtres à penser, pour lesquels l'Europe devait etre une grande Suisse - cet État respectueux cles particularismes ethniques, de ses langues, cles libertés cantonales et individuelles- qui, grace au fédéralisme, avait su conju– guer les intérets de ses quatre peuples et créer une forte cohésion confédérale; ou encore, la pensée du martyr valdòtain lorsqu'il affìrmait que l'Europe n'aurait jamais rejoint san unité politique sans retrouver san unité spirituelle et cela en gardant pour chaque peuple sa langue et ses traditions historiques: «Perché possa avvenire un'unione fra i popoli europei è necessario che, nell'in– terno di ciascuno di essi, quella stessa concezione prevalga: e cioè che tutti i minori gruppi etnici che li compongono vivano nel rispetto reciproco dei diritti e della storia di ognuno » 19 • Rester fìdèles au passé qui a forgé la personnalité de notre peuple et où plongent ses racines, avoir conscience cles difficultés du présent, orienter la pensée et l' action culturelle vers la nouvelle Europe, celle « qu'a revée le grand Érasme »: voilà la poli– tique que les Valdòtains devront suivre s'ils veulent rester eux-memes, tout en culti– vant le progrès, mais sans se laisser dominer par celui-ci, pour ne pas en etre écrasés. Sa conception politique concernant le Val d'Aoste, l'Italie et l'Europe, je le répète, rejoint en cela celle cles grands maìtres que Colliard avait lus et médités, les Trèves, les Chanoux, les Bréan, dont la forte conception régionaliste et autonomiste se fon– dait sur le fédéralisme et pour lesquels la patrie valdòtaine, sans renier l'État dans lequelles vicissitudes historiques nous ont placés, devait aboutir à une Europe cles régions et cles peuples, entité politique dans laquelle les minorités ethniques trou– veraient « leur synthèse harmonieuse, leur accomplissement, leur apaisement, dans une homogénéité qui n'exclura plus les particularités » 20 • Cet aspect d'une Europe fédérale, qu'il souhaitait puisse etre le grand fait du XXIC siècle, n'a été malheureusement qu'à peine ébauché. C'est un grand dommage car, en développant cette vision politique, il nous aurait certainement offert cles ré– Bexions très intéressantes, à l'instar de tout san travail d'historien moulé au creuset de la recherche, de la scientifìcité et de la rigueur morale et intellectuelle; labeur que notre ami et maìtre a toujours conduit avec doigté en posant au centre de san action d'historien l'homme, vu non pas camme un ohjet, mais camme un sujet actif et artisan de son propre avenir, ainsi que la communauté particulière qui l'a forgé. 19 É. CHANoux, Federalismo e autonomie, in Io., Écrits, Institut historique de la Résistance en Vallée d'Aoste, Aoste, Imprimerie Valdotaine, 1994, p. 405. 20 CoLLIARD, La culture... ci t., p. 677. 96

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