- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/2013

FÉLIC!EN GAMBA, UN HISTOR!EN MÉCONNU Il est évident que, camme la grande masse des Italiens qui avaient souffert des misères de l'après-guerre, qui avaient craint les manifestations très souvent bru– tales du biennio rosso, qui avaient eu peur de l'avancée du socialisme, Gamba aussi espérait dans un avenir d' ordre et de progrès économique ; et cela sans s'apercevoir que la prise du pouvoir par Mussolini avait fait tourner le temps en tempete : la dictature était désormais là! Tourefois, si d'une part il était de l'avis que le nouveau régime avait commencé à apporter quelques bénéfices au point de vue économique et à réaliser certaines infrastructures dont le Pays avait extremement besoin, d' autre part Gamba comprenait très bien que la dictature instaurée par Mussolini aurait bientòt anéanti toutes les rares bribes d'autonomie administrative eneore existantes et, surtout, le particularisme culturel et linguistique valdòtain pour acheminer le Val d'Aoste vers une complète italianisation. Il désirait pourtant sauvegarder le français, mais il regardait le présent avec les yeux du réaliste 37 et il ne croyait dane pas que ce patrimoine puisse résister encore longtemps face au nouvel ordre poli– tique et social età l'indifférence des Valdòtains eux-memes. À ce propos il écrivait: « Reste le patrimoine linguistique et culture! de la Vallée à sauvegarder. Le patrimoine linguistique est fatalement destiné à etre sacrifié. C'est douloureux, mais c'est la réalité. Rome, qui vise à l'unité italienne la plus parfaite, ne pourra jamais comprendre qu'il soit nécessaire d'imposer à la Vallée d'Aoste la langue fran– çaise, tandis que une grande partie de ses habitants ne s'en soucient presque pas et volontiers apprennent lo dolce stil novo de Dante. Sans un virement presque miraculeux des hautes sphères, c'est fatal que la langue française perde du terrain lentement mais surement, jusqu'à ce qu'elle ne devienne que le patrimoine culture! de quelques personnes privilégiées et de nos émigrés. Qu'y faire ? Rome y est pour une partie, mais l'indifférence et le scepticisme de la masse du peuple y sont pour une autre partie non moins considérable. Qu'y faire ? Se suicider ? Non ! Virilement il faut se résoudre de chercher à sauver, par quelconque manière qu'on pourra, ce qui est possible d'erre sauvé >> 38 • D'ailleurs, d'après Gamba, la perte lente mais inexorable du patrimoine linguis– tique, et donc culturel aussi, n'était pas un phénomène propre à la seule région valdòtaine, mais un problème général qui frappait le caractère et le cachet particu– lier des petites communautés. Ce patrimoine devait erre sauvegardé et pour ce faire 37 Lorsque l'abbé Trèves lui avait demandé de collaborerà la grande Histoire de la Vallée d'Aoste, en plusieurs volumes, qu'il se proposait de publier, Gamba lui répondit enrre aurres: «Un ouvrage de 8- IO- 12 volumes en langue française par !es temps qui courenr et qui dureronr ne pourra avoir qu'un écoulemenr très limité: c'est bien de ne pas se dissimuler la réalité des choses >> (AHR, Fonds Félicien Gamba, cart. IX, 1/A, !eme du 30 mars 1929). Sur ce projet, cf. J.-C. PERRIN, Pour une Histoire de la Vallée d'Aoste. Un projet-réve de l'abbéjoseph-Marie Ti·èves, in "Lo Flambò. Le Flambeau", 112012, p. 25-40. 38 AHR, Fonds Félicien Gamba, cart. IX, l/A, !eme du 5 aout 1927. 97

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