- Academie de Saint Anselme - Nouvelle Serie - 01/01/2015

jOSEPH-CÉSAR PERRIN Ainsi écrivait l'abbé Joseph-MarieTrèves au chanoine Joseph Bréan, son ami intime et compagnon de lutte pour la « cause valdòtaine ». La lettre date du 28 avril l 940. On était à six mois de l'entrée en guerre et tout en espérant une paix imminente l'abbé regardait au loin. Ses préoccupations n'étaient point du tout injustifìées : un mois et demi plus tard l'Italie se joindra aux belligérants et la lutte ensanglantera le monde pendant cinq longues années. De plus, peu s'en fallut qu'un troisième conflit mondial n'éclate : la Guerre Froide l'a fròlé. Et les guerres qui pendant toute la seconde moitié du xx_c siècle ont ensanglanté et aujourd'hui ensanglantent encore le Moyen Orient, l'Afrique et d'autres pays ne valent-elles pas une troisième guerre mondiale ? Fidèle à son apostolat, le pasteur voyait, non sans raison en cette époque d'anti­ cléricalisme outré, dans l'abandon des valeurs religieuses les causes des maux qui affiigeaient l'humanité. Mais, bon prophète, cet homme avait aussi les pieds sur terre et son réalisme le poussait à penser l'avenir de son petit peuple, à prévoir des actions qui l'auraient fait progresser, à agir pour le bien commun . . . Si de nos jours d'aucuns, sans avoir approfondi sa pensée, sans l'avoir étudié et sans le connaitre à fond, se permettent de critiquer l'abbé Trèves et de le classer - oh combien à tort ! - parmi les rétrogrades et les conservateurs, son ami intime É mile Chanoux qui l'avait bien connu nous en a tracé en quelques mots toute la grandeur : « [ . . .] un vieux pretre inconnu, que le monde appelait peut-etre arriéré et qui, au contraire, voyait plus clair que les oracles qui dictent la pensée aux hommes d'aujourd'hui, ces oracles sans lesquels l'homme moderne n'est plus capable de penser »2• Il voyait plus clair que les oracles ! Vérité indéniable. Et qui plus est, cette clarté de vision embrassait tous les domaines : religieux, sociaux, économiques, politiques... Il voyait clair parce qu'il savait interpréter le présent, avec ses valeurs traditionnelles et contemporaines et les défauts d'un monde en rapide évolution, et il voulait batir, d'après cette connaissance, l'avenir du Pays. Au point de vue religieux Trèves fut un pretre consciencieux et fìdèle aux préceptes de l' Église, à sa hiérarchie et à la lutte qu'elle conduisait contre le Socialisme, le Communisme et la Maçonnerie desquels l'abbé combattait le totalitarisme, le radi­ calisme et l'anticléricalisme. Si l'on ne remarque pas en lui d'écarts à l'observance et à la discipline ni, malgré les fréquentes divergences d'opinion, d'actes d'insou­ mission à ses supérieurs, Trèves a souvent anticipé le chemin réformateur, parfois un peu trop lent, de l' É glise offìcielle. Au moment où celle-ci voulait encore dicter 2 É . CHANoux, Le cri de l'time, in IDEM, Écrits, lnsrirur hisrorique de la Résisrance en Vallée d'Aosre, Aosre, lmprimerie Valdoraine, 1994, p. 234. 1 14

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