BASA
néreux, l'intime crainte que quelque chose de bien douloureux aurait pu encore m'arriver. Après l'efface– ment de tant d'amitiés fictices, sombrées sous le cruel égoïsme politique et sous le vil servilisme du plus fort, ces gestes de bonté et de humaine solidarité dans la triste épreuve m'étaient sensibles jusqu'aux larmes.. , Aussi, quelques fois, en des moments d'appréhen– sion et de découragement, Elle a bien vu mes yeux se remplir de pleurs... · Et c'étaient bien encore les âpres luttes de la vie quotidienne, les pauvres et modestes illusions tombées, les amères déceptions d'une vie devenue plus ingrate, les petits · et les légitimes espoirs d'un avenir incertain, qui enehainaient les liens de cette amitié si simple, si naïve, si cordiale et, en même temps, si savoureuse. Quelques fois c'étaient les amis qui souffraient loin de nous, sous l'orage de la guerre et des persécutions politiques, leur misère et leur volonté, qui était l'objet de notre pensée et de notre souvenir attendrissant et soucieux. Elle me parlait souvent, avec un sentiment d'amitié tout particulier, de son ami d'enfance le baron Emmanuel Bich, le dernier survivant de cette illustre Maison qui lui était liée par des anciens rapports de famille et, alors, Elle aimait me répéter ses sentiments de gratitude pour le culte que la Ville d'Aoste avait bien voulu rendre aux restes mortels de ses grands disparus et dont j'avais été un peu l'interprète. Mais Elle, qui assistait ahurie à l'envahissant relâ– chement des mœurs, aimait surtout parler des souve– nirs ·d'autrefois où les joyeux ébats d'une enfance et d'une jeunesse heureuse et les vertus d'une race foncièrement solide et morale se mêlaient au long chemin parcouru, avec tant d'abnégation, dans la plus parfaite pratique des principes de la dignité et
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