BASA

ACADEMIE SAINT ANSELME 193 De là, au printemps, il apercevait les nua– ges rosées voguant à la dérive sur le Buthier gonflé de neiges fondues, l'impétueux torrent qui lui rappelait si bien la zone lointaine de son cher Tza de Tzan et ses ultimes nevés, ses gradins glacés où son piolet s'accrochait pour– tant à l'envi et ses farouches splendeurs, ses flancs escarpés et ses éclats bleuissants; et les faisceaux de sérac et les gouffres, et les cre– vasses et les cryptes, toute une étonnante flo– raison glaciaire qu'il avait observé de si près maintes et maintes fois. De là, il apercevait ensuite, suivant les sai– sons, les cascatelles des bois, limpides et chan– tantes, et la mer roussie des blés; les corbeaux croassants, juchés à la pointe des mélèzes jau– nis et les champs dépouillés; les squelettes d'ar– bres chargés de vagues de brume et la cam– pagne engourdie sous les neiges et les autans de l'hiver... De là, aux heures sombres, il laissait errer ses pressentiments et son regard vers le petit cimetière, autour de l'endroit précis qui est au– jourd'hui celui de son dernier repos. (Je parle de pressentiments, car, depuis l'été 1947, ils se suivaient sans répit... Je ne le sais que trop bien ! Ainsi, tout en vaquant à son activité cou– tumière, il avait été surpris, par exemple, à tuer sur leur tige de superbes « éryngiums » océa– niques, soit d'étranges fleurs épineuses qu'il

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