BASA

144 L. A. COLLIARD force pa ssionnée à la mort afm qu 'elle épargne les deux victimes désignées. La poésie pourrait commencer - et e1le eût bien mieux atteint son but -- par la septième strophe où le poè te revient aux deux alpinistes et nous les montre ha– letants , tendus dans leur effort pour conquérir l ' hostile et blanc glacier. Belle et tragique est la huitième stro– phe où nous voyons les deux alpinistes , parvenus à bout de force au terme de leur course, chanceler soudain: Pauvrets, la nuit montait, ils étaient sur la cime !... L'immense océan d'ombre où plongea leur regard A plié leurs genoux ... Ah ! oui, c'était trop tard: Ils ont tourbillonné dans l'effroyable abîme. Le langage poétique de ]a strophe suivante est émou– vant et vigoureux: nous voyons parmi les premières ombres du soir les deux hardis pionniers s' abîmer dans le gouffre ; dans un ultime et suprême effort, leurs mains sanglantes se crispent en vain sur la dernière pri se. Hélas, ils sont seuls et sans défen se devant la na– ture hostile, devant l e destin cruel ; au-dessous d'eux s' ouvre une tombe de glace. Que de détresse dans leur dernière pensée et dans leurs regard s qui se tournent en vain « là-bas » ... Mer– veilleuse imprécision ! (( Là-bas >> c'est tout ce qu ' ils aiment, leur maison, leur famille, le monde, tout ! Ce « tout >> qui leur échappe pour toujours, tandis que tout autour, la tempê te hurle et fait rage, tandis qu ' avec des craquements si ni stres s' entr' ouvre le glacier. On comprend difficilement pourquoi le poète perd son inspiration lyi-iq_ue dans la strophe suivante, alour– die par une autre personnification, celle du t emps qui devient le « vieux fossoyeur >> des téméraires alpinistes. Son chant perd de sa force , de sa darté, de sa vivacité et de sa spontané ité. Mieux eût valu que le poète passât directement à un autre tableau: celui du doux bouque– tin qui devine l ' inutile tragédie , bondissant instinctive-

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