BASA
L E POETE ANS ELME P ERRET 149 Mais après une brève pause, le poète condamne sur un ton austèr e son « bon pa ys » , qui devrait rougir et s'indigner de voir la cause pour laquelle tant de ses fils l'abandonnent. La cause n ' est pas clairement indi– quée . Elle r este sous-entendue, mais de telle sorte que le coeur , plus encore que l ' imagination , puisse la de – viner et en mesurer tout le tragique: les fleur s ne don– nent pas de pain ! Ces fl eurs cependant ont une valeur: ce pays si beau et si rude conser ve intacte sa force d ' attraction. C' est ce que le poète r essent et traduit en des accents pathétiques : Mon pauvre vers boiteux, amis, s'en va vers vous, Portant à votre ·exil ses accents les plus doux : Il vient de vos clochers, et de votre chaumière, Il a vu vos vieillards mornes et soucieux, Vos marmots gambadant au soleil radieux, Et vos épouses en prière. Dans sa brièveté la strnphe évoque tout un monde qµ ' elle décrit aussi bie n dans ses a spects géographiques que dans ses aspects moraux et sentimentaux, profon– dément enracinés chez ceux qui sont restés comme chez ceux qui ont dû émigrer. Ce <c pauvr e vers boiteux )> , et donc sans prétention , dont le ton convient à la tri ste condition des émigrés valdôtains, porte jusqu ' à Paris, parmi les fumées de la grande ville, des souvenirs chers au coeur , ces douces vi sions, car il vient du clocher du village, de la chaumière natale, chargé de toutes les angoisses des vieillards qui attendent, de l ' image des enfants qui gambadent et des femmes qui prient. Un coin du ciel natal , les glacier s éternel s, la croix du vieux clocher , le son lointain des cloches, les sapin s où gazouillent les oiseaux , les bords riants de la Doire sont autant d ' images que le <C pauvre vers boiteux > vou– drait évoquer aux yeux émerveillés de ces exilés au coeur nostalgique , afin de les r éconforter oar ce sou– venir:
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