BASA
154 L. A. COLLIARD Lent, solennel, bourru, chagrin comme un gros dogue , Quand la bise d'hiver sifflait dans ses lambeaux, Il n'avait de frissons pas plus que nos corbeaux; Et les gars qui l'ont eu, dit-on, pour pédagogue, Ont dû trembler dans leurs sabots. Le fameux « Peccagran », le roi des sans-culottes, Qui donc ne le connaît ? Qui ne l'a vu cent fois ? Alors qu'il s'en venait grommelant et sournois, Laissant flotter au vent ses haillons tout en crotte, Frayeur de tout gentil bourgeois... La description de l'étrange mendiant en haillons et couvert de boue, ne pouvait être plus efficace, bien que l 'excès de couleur locale nuise par endroits à toute ten– tative de pénétration psychologique. Le vers: cc Lent, solennel , bourru , chagrin comme un vieux dogue )) campe une figure inoubliable , surtout si nous pensons à ces enfants qui l'ont eu comme maître et qui souvent ont dû trembler de la tête aux pieds. A cet aspect phy– sique correspond bien l'aspect moral, qui apparaît dans sa façon tant soit peu arrogante de demander l'aumône, qui plus qu'une requête était un ordre: « Moussieu », vous grognait-il de sa voix caverneuse Et le voilà campé, requérant votre sou, Braquant sur votre nez ses yeux de vieux hibou, Pour vous dire qu'enfin sa bourse était bfen creuse et que la vôtre en avait prou. Puis le voici sur la route del' Asile, traînant ses pieds gonflés par le froid , effrayant les moineaux, provoquant l 'aboiement des chiens , importunant les passants de ses rauques supplications. Le Poète le voit, le reconnaît et ne peut que s'apitoyer sur son sort misérable: Traîner ses gros pieds nus sur la terre glacée, Effrayer les mo.ineaux le long du grand chemin, Recevoir les saluts de quelque affreux mâtin, Effarer les passants avec sa voix cassée: Ah ! bonnes gens, quel sort mesquin !
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