BASA

LE POETE ANSELME P ERRET 155 Quand vient l'été , « espoir de la guenille )>, quand « l ' on dort bien sans toit )) , le voici « dans un logi s où l ' air entre par un e grille )), en prison: Et puis quand vient l'été, l'espoir de la guenille, A la douce saison où l'on do.rt bien sans toit, Voici donc qu'un beau jour on l'enferme à l'étroit Dans un logis où l'air entre par une grille Et là jusqu'au retour du froid. Mais pourquoi donc en prj son ? et qui plus est, en été, quand on peut dormir à la belle étoile ? Le poète ne le dit pas ; et Je mendiant ne le dit pa s davantage, qui se contente d'avouer c qu'on l ' avait mis à l'ombre)). Le froid a r eparu sur la campagne sombre, Et notre gueux aussi: ]e l'ai vu l'autre soir Toujours lent et bourru, traînant son gros pied noir, Il me dit, indigné, qu'on l'avait mis à l'ombre, Qu'il avait peine à se mouvoir. En face du théâtre, assis sous les portiques, Il paraissait prétendre, avec son air hautain Qu'en ce riant palais on eût donné du pain, Et moi je me disais : « oh ! quel acteur tragique Dans le drame des crève-faim ! » Avec le retour du froid , r éapparaît aussi le vieux Peccagran qui anime le pâle et froid décor de l ' hiver brumeux. Le voici sous les portiques de l ' Hôtel de Ville , devant Je théâtre Emmanuel-Philibert (l' actuel cinéma Giacosa) et il paraît prétendre qu ' en ce noble édifice on lui donne à manger. Pa1· opposition aux personnages d ' un théâtre léger qui flatte avec complaisance le goüt d'une société avide de plaisirs , Peccagran apparaît au poète - esprit ou– vert aux problèmes sociaux - comme l ' acteur tragi– que du destin dans le drame des meurt-de-faim. C'est un personnage qui malheureusement existe dans la réa-

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