BASA

174 L.-A. COLLIARD ques et morales de la vie des tranchées qu'a connue le poète, dont l'âme sensible oscille entre l'abattement et la déter– mination. Nous sommes émus par ce cri de révolte qu'est la complainte désolée Pour Guillaume Apollinaire 6 , ami et maî– tre du poète, mort des suites d'une blessure de guerre: en souvenir de la mort que nous avons ac- compagnée en nous elle bondit hurle et retombe en souvenir des fleurs enterrées Mais on ne peut nier le caractère artificiel, voire para– doxal du procédé employé: Ungaretti dans ces trois vers rassemble les éléments traditionnels de la mort violente du soldat (présence constante de la mort, cri et chute de la victime, enterrement avec fleurs). Ces éléments sont toute– fois juxtaposés sans lien logique, comme dans un puzzle (c'est la mort qui joue le rôle du soldat, ce sont les fleurs qu'on enterre). Le décrochement typographique du mot re– tombe, trop facilement évocateur, achève de donner à ce court poème l'aspect d'un exercice de style, d'un calli– gramme1. Dans Nocturne, Ungaretti évoque le douloureux enfan– tement de la nature au printemps, contrarié par l'ironie de Dieu qui glace le paysage et les coeurs sous la neige d'avril. Horizon, de facture hermétique, relate la tristesse et la misère du poète J'écoute le printemps parmi les branches noires endolories et se termine par un cri de désespoir qui fait écho au Poète assassiné d'Apollinaire 8 et au Sang du poète de Jean Coc– teau9: (6) Un ouvrage de Quen eau, se rapportant à l'anniversaire de la mort d'Apollinaire, porte le même titre de !'oeuvre d 'Ungarettl: Les Derniers Jours (1920-1923). Cf. Claude Simmonet, Queneau d échiffré (Notes sur le Chiendent), Julllard, Dossier des Lettres Nouvelles, Paris, 1962. (7) Rappelons que Gulllaume Apolllnaire a publié en 1918 un recueil poétique sous le titre de Calligrammes. (8) Apolllnatre, Le Poète assassiné, 1916. (9) Poème cinématographique tourné par J ean Cocteau en 1930.

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