BASA
36 E. GISCARD D'ESTAING à Poitiers; il traverse la Loire, parcourt l'Anjou et la Maine; en février, gagne la Garonne pour prêcher à Bordeaux; il remonte le fleuve jusqu'à Toulouse, où il est en mai et, en juillet, il tient un nouveau Concile à Nîmes. Nous voyons par ces étapes l'activité dont a fait preuve le Saint-Père de juin 1095 à juillet 1096, et nous avons ainsi une vue plus juste de l'ampleur des voyages qu'accomplissaient nos aïeux à une époque où nous nous imaginons que les moyens de communication étaient si difficiles et si lents. Ajoutons en– core que c'est à ce même moment que commença l'épopée la plus extraordinaire de notre histoire, celle qui poussa des foules entières, des seigneurs et des rois, à quitter leur pays, à traverser la Méditerranée et à aller guerroyer contre les Sarrasins pour servir leur foi chrétienne. Mais ce sur quoi je voudrais surtout attirer votre atten– tion, c'est sur la coexistence de deux attitudes que des es– prits superficiels jugent trop volontiers devoir être opposées. Il est évident qu'au XIe siècle l'attachement au sol natal est profond, plus peut-être qu'il ne l'a jamais été . D'un canton à l'autre, d'une province à l'autre, d'un pays à l'autre, les différences de moeurs, de conditions sociales, d'habitats, de langues, de coutumes sont considérables. Aucune époque n'a été aussi favorable à ce que nous appelons « les originalités locales », et cependant les exemples que je viens de vous rap– peler nous montrent qu'aucune époque non plus n'a été favorable à des mouvements de portée générale, qui bras– saient, en vue d'idéaux communs, des hommes que l'on pou– vait croire profondément différents. C'est qu'en fait, au-delà de leur diversité temporelle, ils étaient unis par des croyan– ces spirituelles d'un ordre infiniment plus élevé. Ces hom– mes, que l'on croit attachés à leurs sillons, que l'on voit isolés les uns des autres et s'ignorant par la force des choses, font partie d'une Eglise universelle qui leur apporte les élé– ments les plus précieux, les plus irremplaçables et les plus nobles d'une vie spirituelle rigoureusement commune et identique. L'Europe chrétienne du XIe siècle, dont saint Anselme et Urbain II sont les héros, nous est la preuve que
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