BASA
La genèse de « Dialogues des Carmélites » 103 celle qui avait été l'âme de cette consécration commune au sacrifice s'en voit exclue. Contre toute attente, sa voix sera remplacée, dans le chant final du V eni Creator, par celle de Blanche de la Force . Dix jours plus tard c'est la fin de la Terreur. Le point de départ de cette nouvelle n'est pas seulement, pour Gertrude von Le Fort, le destin des seize Carmélites de Compiègne, mais bien un souffle venant de la propre intériorité de la romancière, c'est-à-dire « l'incarnation de l'angoisse mortelle d'une époque allant tout entière à sa fin » 21 . Le mystère et le message de Blanche ne de– viennent pleinement intelligibles qu 'au moment de sa mort. Les spec– tateurs de 1794 en entendant ce chant de la dernière à l'échafaud (Blanche de La Force) pensaient à un témoignage de l'indestructible noblesse de la nature humaine ; en fait , nous pensons que c'est autre chose : un miracle dans la faiblesse. Toute l'initiative est justement de Dieu dans le sacrifice de Blanche, dont la vocation « est de vivre avec le Christ le mystère de la déréliction » 22 . Nous savons aujourd'hui qu'à travers la révolution français e Gertrude von Le Fort visait le régime hitlérien 23 , car « toutes les crises historiques - écrit S. Meredith Murray - se ressemblent en profondeur, parce que c'est l'homme qui porte en lui-même le prin– cipe du désordre » 24 • La confrontation avec l'histoire. Il s'agit de voir comment l'histoire a influencé successivement la romancière, les scénaristes et Bernanos. A propos des faits historiques et de la nouvelle, nous dirons simplement qu'ils sont relativement fidèles , ne voulant pas en effet relever les dates des divers décrets pour les voir reparaître dans la nouvelle . Voyons plutôt les noms des seize Carmélites : seuls ceux (21 ) G. VON LE FORT, Au/zeichnungen und Erinnerungen, Benziger Verlag, E insiedeln Zürich, Këln, 1956, p. 93. (22) G. VON LE FoRT, La Dernière à l'Echu/aud, p. 52. (23) Dans La Dernière à !'Echafaud, Gertrude von Le Fort proclame que « Trembler est une force. Ces choses se sont passées et peuvent se renouveler» (p. 102). (24) S. MEREDITH MURRAY, ouvrage cité, p. 61.
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