BASA
La genèse de « Dialogues des Carmélites» 105 laire, les scénaristes font disparaître, dans un certain sens, la sour– dine qu'avait délicatement mise Gertrude von Le Fort, et n 'hésitent pas à créer parfois des diversions au drame spirituel. Encore faudrait-il savoir si en accentuant certaines choses on ne sacrifie pas la chance d'atteindre le niveau de signification profonde que possède une œuvre telle que la Dernière à l'Echafaud. Malgré tout, ce scénario, qui se compose de trente-cinq pages dactylographiées, a permis à Bernanos de styliser les nuances psvcholo– giques, et lui a donné une plus grande liberté pour faire vivre ses propres personnages en un cadre dramatique bien articulé. Dès le dé– but, il fut donc invité à déployer toute sa puissance créatrice dans le sens de la profondeur. Tout en acceptant la succession des scènes établies comme le voulaient les metteurs en scène, Bernanos a brisé ce cadre chaque fois que ce dernier entravait son propre génie au lieu de le servir 26 . Son inspiration l'attirait d 'ailleurs dans un sens différent de celui du scénario et plus proche de la nouvelle 27 • Chez Bernanos, les choses wnt dites beaucoup plus subtilement que dans le scénario, car il ne tient pas tellement à les expliquer d 'une manière rationnelle 28 . Par contre, il se soucie constamment de ne pas surcharger inutilement la courbe ascendante du drame spirituel, et soigne même les détails de mise en scène, car s'il pensait surtout aux dialogues, il pensait aussi au plan technique du cinéma 29 . Bernanos et Gertrude von Le Fort. L 'aristocrate allemande était très consciente du tra!!ique de son temps ; Bernanos également. Comment vont-ils envisager - se de- (26) Ce fut grâce nu R.P. Brückberger que le producteur du film accepta de ne pas rompre le contrat qui le liait à Bernanos. Il trouvait en effet peu à son goût la première partie du dialogue qu'il avait lue. (27) L'entrevue de Blanche avec la Prieure Croissy, décrite en une page par G. von Le Fort, et réduite à quatre répliques dans le scénario, prend une envergure de dix pages chez Bernanos. (28) Bernanos refuse d'expliquer la vocation de l3lanche par une prédilection qui « insiste sur l'opposition du tumulte du monde et de la paix du cloître, récompense et refuge pour des âmes vouées à Dieu » (Scénario), et aussi de rattacher la peur de Blanche à une cause extérieure. (29) Dam une critique de Georges Neveux dans Arts on li t: «Quel homme de théâtre eût été Bern::!nos ! ».
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