BASA

La minorité linguistique valdôtaine 173 Vallée d'Aoste du XVI° siècle d'après les idées en vogue au XXe siècle . Il est hors de doute qu'à l'époque d'Emmanuel-Philibert la langue française avait substitué depuis longtemps le latin dans la vie de chaque jour. C'est son emploi dans les actes publics, dans les matières de justice, qui était seul en contestation, car le passage d'une langue à l'autre suscitait des inconvénients d'ordre juridique. Tibaldi a été sur ce point (ce n'est pas le seul d'autre part) la victime d'une méprise, car il était aveuglé par ses idées préconçues. Ce même auteur laisse aussi croire que le patois était la langue qui devait substituer le latin dans les actes publics, parce que le Mémorial de 1572, que nous venons de citer, parle justement du « langaige patois du dict pays . » Cette thèse de Tibaldi est par trop forcée. On pourrait faire contre elle bien des objections : par exemple que « langaige patois » a ici la signification de lan– gage du pays et donc de langue parlée dans le pays d'Aoste en opposition au latin, langue universelle. Quelqu'un pourrait nous répondre alors que le dialecte était la seule langue du pays et non pas le français. Un rescrit du duc de Savoie, donné le 28 juillet 1578 est heureusement là pour contrecarrer toute interprétation captieuse : « ... declarons et ordonnons par ces presentes de nostre certaine science plaine puissance et auctorité souveraine qu'il ne sera loysible a aucun de quelque qualité que ce soit de publier ny fere publier audict pais aucuns edictz ny commandemans gene– raux procedans de nos dictz magistratz tant de Savoye comme de Piemont sinon ceux que nous estimerons pour le bien de nostre service de devoir publier audit pais, les quels neantmoins se feront a part tout expres pour icelluy signez de nostre main propre et en nostre absence hors de noz Estatz par noz lieutenans generaux et en langaige et termes de parler francois et non italien . Le tout suivant et a la forme de leurs dictes coutumes et franchises. » 14