BASA
190 A. Zanotto agite tant de peuples, est-il prudent de venir à dire à une popu– lation : Tu ne parleras plus la langue qu'ont parlée tes pères , qu 'ils ont parlée depuis plus de mille ans ! » Cela est « ou une cruauté ou une trahison », à l'égard d'une « population fatiguée et du sang qu'elle a versé et des impôts qu'elle a payés. » Le chanoine Bérard veut prouver que, lors même que «le territoire, l'origine, le droit historique, les intérêts matériels forme– raient les caractères de la nationalité d'un peuple, nous Valdôtains, nous avons toujours eu, par territoire, par origine, par droit his– torique, par intérêts matériels, la langue de la France, comme langue littéraire, et nous avons le droit de la garder comme telle. » L'ardeur polémique dicte au chan. Bérard des expressions qui semblent parfois un peu trop outrées. En voici quelques-unes : « ... comme nous l'avons dit, c'est la nationalité soit la langue qui fixe des limites au territoire. Donc la Vallée d'Aoste, quoique unie au Piémont, n'est pas italienne de territoire. » « ... quand le pur sang de l'Italie coulerait dans nos veines, nous n'en serions pas pour autant obligés d'en parler la langue. » « ... Pour les Valdôtains, écrire et parler la langue italienne est une chose utile ; la parler et l'écrire comme langue littéraire, est une chose nuisible. » Il faut cependant reconnaître que bien des arguments du cha– noine Bérard l'emportent sur les sophismes de Vegezzi Ruscalla. Ce sont des arguments suggérés la plupart par le bon sens, un bon sens qui lui fait demander assez efficacement : « Vous pro– posez l'abrogation de notre langue française ? Par quel droit ? Par le droit du plus fort ? Par le droit turc ? Par le droit russe ? » Bérard fait encore remarquer à son adversaire que l'Autriche n'a jamais imposé la langue allemande à la Vénétie et à la Lom– bardie. L'Angleterre a laissé la langue italienne à Malte. Les Iles Ioniennes se servent de la langue grecque sous la protection des Anglais. Et il se demande justement : « Le gouvernement italien voudrait-il traiter une de ses plus anciennes provinces, plus dure– ment que ne le font l'Angleterre et l'Autriche à l'égard des pays qu'elles possèdent par cession ou par conquête ? Le gouvernement italien, portant si haut le drapeau de la liberté, ferait-il ce que n'a pas fait le despote autrichien ? » Le passionné plaidoyer du chan. Bérard se termine ainsi : « Mais si, malgré la raison, malgré
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