BASA
Xavier de Maistre et la Vallée d'Aoste 243 a transposé avec une ·rare bonheur dans sa prose française. Humour, en effet, et non point esprit, ou ironie comme il s'en dépensait tant dans la société et la littérature françaises du XVIIIe siècle. Loin de moi la pensée de m'engager ce soir dans l'épineux ' débat sur la différence entre humour et ironie mais j'aimerais simplement souligner que , pour Xavier de Maistre, si étranger à la forme d'esprit parisienne et à cet étincelant entrechoquement d'images et de para-' doxes, c'est l'humour qui reflète le moi profond . Un humou.r qui n'a rien de commun avec cette ironie un peu sèche, à la française, jouant sur l'intelligence et le mécanisme mental. Un humour qui, sous la forme encore. un peu grêle et les élégances du classiscisme finissant , laisse affleurer l'éclat d'un feu intérieur et le frémissement d'une sincérité profonde qui sont déjà romantiques .. Il n'est pas sans signification que Xavier de Maistre ait, dans ses dernières années, désigné comme son héritier littéraire le genevois Rodolphe Topffer, comme lui écrivain français sans citoyenneté parisienne. Un peu plus tard, Stendhal se complaira, lui aussi, à noter, dans le décor frivole de la vie sociale, le petit fait vrai, éclairant et cruel, comme une blessure soudaine. Et je pense que ce n'est pas s'abuser que de reconnaître déjà comme un accent de Le Rouge et le Noir , dans cette page du Voyage où Xavier de Maistre va offrir à Madame de Hautcastel une rose cueillie dans les serres du Valentino sans obtenir un regard ou un signe de cette coquette tout occupée à sa toilette : « Je me résignai : je tenais humblement des épingles toutes prêtes , arrangées dans ma main; mais son carreau se trouvant plus à sa portée, elle les prenait à son carreau - et si j'avançais la main, elle les prenait de ma main - indifféremment - et pour les prendre, elle tâtonnait, sans ôter les yeux de son miroir, de crainte de se perdre de vue. Je tins quelque temps un second miroir derrière elle, pour lui faire mieux juger de sa parure ; et sa phy– sionomie se répétant d'un miroir à l'autre, je vis alors une perspec– tive de coquettes, dont aucune ne faisait attention à moi. Enfin, l'avouerai-je ? Nous faisions , ma rose et moi, une fort triste figure. « Je n'ajouterai qu'un conseil pour vous, Messieurs, c'est de vous mettre bien dans l'esprit qu'un jour de bal, votre maîtresse n 'est plus à vous . Au moment où la parure commence, l'amant n 'est plus qu 'un mari, et le bal seul devient l'amant. »
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