BASA
244 P. Guichonnet Un autre aspect attachant de Xavier de Maistre est son absence totale d'infatuation et de « carriérisme » littéraire. Il est l'amateur à l'état pur, écrivant, après de longs repentirs et des réélaborations qui laissent une grande distance entre la parution de l'oeuvre et l'événement qui l'a inspirée. Ainsi en est-il du Voyage autour de ma chambre, publié à Lausanne, en 1795, par son frère Joseph, sous la fausse indication de « Turin, 1794 » ·et qui ne sera suivi d'un morceau de la même inspiration, l'Expédition nocturne autour de ma chambre, qu'en 1825, à Saint-Pétersbourg. Il serait donc illusoire de chercher dans l'oeuvre de Xavier de Maistre le témoignage et le contrepoint chronologique de son existence et comme mon propos est d'évoquer essentiellement ce qu'il doit à votre ville, dans son inspiration et sa vie affective, nous contenterons d'esquisser les grandes étapes d'une carrière, par bien des aspects hors série. La Révolution qui s'abat sur la Savoie, en 1792, chasse, pour de longues années, les Maistre de leur province natale. La famille se reforme à Aoste, qui s'était remplie d'émigrés partis dès les premières menaces : des nobles, des prêtres, des ma– gistrats, que grossira le reflux de l'armée sarde, après sa peu glo– rieuse retraite de septembre, devant les troupes françaises de Mon– tesquiou. Xavier de Maistre arrive avec cette seconde vague, te" trouvant son frère, le chanoine André qui sera plus tard élevé au siège épiscopal d'Aoste, ses deux soeurs : Anne-Marie, qui épousera l'intendant de Saint-Réal et Jenny, qui épousera le colonel de Buttet. Joseph est, de son côté, arrivé le 25 septembre, avec sa femme et ses enfants. -·- On peut se représenter quelle animation mettait dans la petite capitale cette émigration savoyarde. En réalité, l'exil n'était pas très dur pour les nouveaux venus. Tous ces nobles et notables étaient liés avec les familles de la Vallée par des relations de parenté ou d'amitié. C'étaient des compatriotes qui recréaient à Aoste leur petit Chambéry et qui, dit Xavier,. s'y retrouvaient «dans un coin de Savoie qui n'était pas en Savoie. » On discutait ferme contre les « infâmes coquins de France », on allait aux nouvelles, on espérait que l'heure de la revanche sonnerait bientôt. Illusions et rêveries qui sont le propre de tous les exils politiques. Avec des interruptions pour les campagnes sur les Alpes contre les Français, Xavier de Maistre demeurera six ans à Aoste, suffisam~
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