BASA

Xavier de Maistre et la Vallée d'Aoste 245 ment pour s'y attacher et y amasser un trésor d'observations , d'im– pressions, de sentiments dont se nourrira toute son oeuvre. Avant de revenir sur ce séjour et sur le Lépreux de la Cité d'Aoste, retraçons à grands traits les péripéties de sa biographie. En 1799, à la suite de la contre-offensive russe en Piémont, Xavier suit l'armée de Souvarof et arrive, en 1800, à Saint-Pétersbourg . Les temps sont durs pour l'émigré, sans fortune et sans crédit, qui a quitté l'armée et qui subsiste de ses talents de peintre et de miniaturiste . Heureusement pour lui, en 1803, Joseph arrive comme plénipotentiaire et ministre du roi de Sardaigne et sa fortune change du coup. Le voici lancé dans la bonne société, nanti d'un emploi, peu absorbant, de bibliothécaire de !'Amirauté, réintégré dans l'armée russe avec le grade de colonel, puis anobli et promu général. Pour donner quelque prestige à ses « quarante ans un peu chauves » aux yeux d'une dame de la cour, il part en expédition au Caucase, combat bravement et remporte une blessure. Il prend part aux guerres napoléoniennes, de 1812 à 1814, mais plutôt en adminis– trateur et en observateur qu'en combattant. En 1817, c'est un mariage heureux avec Sophie Zagriatska, dame d'honneur de l'im– pératrice. C'est, désormais, un grand seigneur de cette Europe de la Restauration, cosmopolite, fasteuse et oisive. Paré du lustre jeté sur son nom par la renommée de son frère Joseph, il mène en Russie une existence quelque peu nonchalante, coupée de voyages, d'expériences scientifiques et consacrée à sa famille et à ses biens. Jusqu'en 1825, c'est l'époque de la création littéraire, avec le Lépreux, achevé en 1810 et ses trois autres ouvrages, La Jeune sibérienne, le Prisonnier du Caucase et !'Expédition nocturne autour de ma Chambre. Dans cette même année 1825, l'ensemble en est réuni dans un mince volume d'oeuvres complètes, publiées à Paris, par les soins de son neveu, le baron Vignet et l'un de ses anciens camarades de Turin, le baron de Mareste; l'ami de Stendhal. Dès 1824, il annonce à Mareste son intention de borner là sa carrière littéraire et il tient parole : il n'écrit plus que des esquisses, quel– ques pièces de vers charmantes, dans le goût du XVII1° siècle, telles les strophes du Papillon, et des traductions libres de fables de Krylof, le La Fontaine russe. L'ensemble de ces inédits ne sera révélé qu'en 1878 seulement, sans ajouter beaucoup, il faut l'avouer, à une notoriété qui avait mis du temps à se former et dont l'auteur lui-même, vivant à l'autre bout de l'Europe, se souciait fort peu. Xavier de Maistre était si peu connu, dans les années

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