BASA
Xavier de Maistre et la Vallée d'Aoste 247 la cnt1que et l'histoire littéraire ont respectueusement acquiescé. Il appartiendra à l'érudition savoyarde, avec la thèse du chanoine Berthier, valdôtaine, avec l'édition critique de Pellini, parue à Aoste en 1905 et, plus récemment lors de la commémoration par l'Aca– démie de Savoie du Centenaire de la mort de Xavier de Maistre, en 1952, aux pages pénétrantes de votre compatriote l'honorable Paul Farinet, d'apporter des vues nouvelles. Sainte Beuve a donné de la naissance du Lépreux une version qui a pour elle la facilité du génie créateur qu'on prête volontiers aux écrivains : « Vingt ans s'étaient passés depuis qu'il avait écrit le Voyage autour de ma chambre; un jour, en 1810, à Saint Péters– bourg, dans une réunion où se trouvait aussi son frère, la conver– sation tomba sur la lèpre des Hébreux ; quelqu'un dit que cette maladie n'existait plus ; ce fut une occasion pour le comte Xavier de parler du Lépreux de la cité d'Aoste, qu'il avait connu. Il le fit avec assez de chaleur pour intéresser ses auditeurs et pour s'intéresser lui-même à cette histoire dont il n'avait jusque là rien dit à personne. La pensée lui vint de l'écrire ; son frère l'y encou– ragea et approuva le premier essai qui lui en fut montré, conseillant seulement de la raccourcir. Ce fut encore son frère qui prit soin de la faire imprimer à Saint Pétersbourg (1811 ), en y joignant le Voyage .» La réalité est passablement différente et comme toujours chez Xavier, c'est beaucoup plus haut dans le temps, et à Aoste même, qu'il faut faire remonter la conception du récit. Le point de départ est, comme toujours, un fait vrai. On sait que la lèpre était alors endémique dans le bassin de la Méditerranée et que les règles de ségrégation qui frappaient les malades n'avaient guère été adoucies depuis de Moyen-Age : le lépreux était retranché de la communauté des vivants. C'est ce qui arriva aux membres de l'infortunée famille Guasco, originaire de Saint-Lazare, près d'Oneglia. En 1768, les six Guasco furent transportés à Moncalieri puis, au bout de cinq ans, internés à Aoste, dans la Tour des Friours, la tour de la Frayeur, érigée sur un des bastions de l'enceinte romaine et transformée en léproserie, en maladrerie, confiée à l'Ordre charitable des Saints Maurice et Lazare. La mère mourra la première, à 45 ans ; puis un fils en 1770, à 29 ans; un second fils, en 1778, à 28 ans et, en 1781, le père, âgé de 68 ans. Au temps où Xavier de Maistre arrive à Aoste, ne survit plus
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