BASA
330 L. Colliard Il est regrettable qu'on ne connaisse pas les motifs réels qui ont déterminé J.-B. Réan à envoyer un rapport de cette sorte au gou– vernement d'une république étrangère, qui se trouvait alors en état de ·guerre avec le royaume sarde. Mgr. Duc justifie ce comportement inouï, en supposant, avec vraisemblance, que l'homme politique valdôtain, regardant d'un oeil confiant et perspicace l'avenir, pressentait « que le gouvernement sarde ne pouvait résister à la marche envahissante des armées fran– çaises et que bientôt le Duché tomberait sous le joug de la domina– tion républicaine ». Mais à l'encontre de l'étrange argumentation finale de Mgr. Duc 6 , il nous semble que Réan, en prônant la cause des libertés valdôtaines, ne visait raisonnablement qu'au rétablisse– ment d'une forme d'autonomie dans le cadre de la liberté si haute– ment proclamée par la France révolutionnaire. Une nostalgie, de nature purement sentimentale, pour les an– ciennes libertés du Pays, mais en même temps un refus net de les concevoir - au nom du « civisme » - sous la forme des privilèges féodaux, caractérisent aussi un autre document, dont la rédaction peut être fixée aux premières années du XIX 0 siècle. Il s'agit d'un manuscrit anonyme, conservé aux archives de la Ville et portant ce titre : Origine, progrès, révolution et finale para– lysie du Conseil des Commis, qu'on doit probablement attribuer à l'avocat Louis Christillin 7 . Cet écrit remarquable en raison des théories du Contrat Social qu'il développe, semble, de son côté, vouloir préconiser l'institution, au sein de l'Etat français, d'un dé– partement particulier apte à rappeler « aux valdôtains les droits dont la patrie avait joui » et cela « au moment où il [le Pays] voit renaître sa primitive liberté dépurée encore du mélange de toutes les servitudes aristocratiques ». Ce n'est pas le cas de rappeler ici l'historique circonstancié et moins encore d'exposer les motifs d'ordre général relatifs à l'in– succès pratique de tant de démarches. Il nous suffit de démontrer jusqu'à quel point la question valdôtaine, pas du tout éteinte dans la conscience civique, attirait encore l'attention des milieux res– ponsables. (6) « L'intendant Réan visait-il au rétablissement de ces libertés sous un régime républicain ? Non, il savait fort bien que la République au lieu de doter le pays des bienfaits d'une sage liberté, lui apporterait de nouvelles chaînes. » (7) Ce texte est mentionné par F . G . FRUTAZ, Jean-Baptiste de Tillier et ses travaux historiques, Aoste 1951.
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