BASA

334 L. Colliard que le peuple le réclamait impérieusement. Pourquoi n'aller qu'à la remorque des autres nations ? Mais pour le Duché d'Aoste rien ne peut remplacer son ancien Coutumier. Puisse-t-il un jour renaître de ses cendres ». Mais là où l'anticonformisme de Chevalier atteint son comble, c'est lorsqu'il se pose la question, si, au point de vue exclusivement politique, l'insuccès de la « coupable entreprise » de Calvin, ainsi qu'elle est définie par Orsières , ait été un bien ou un mal pour la Vallée d'Aoste. La demande n'est pas tout à fait oiseuse. Elle met au jour un penchant caché de la pensée politique de Chevalier et peut-être des radicaux valdôtains du xrxe siècle. Ici notre avocat dépasse sans doute Tillier, qui avec sa prudence habituelle et son sens critique, s'était simplement borné à cons– tater le manque d 'une « preuve authentique » relative au séjour de l'hérésiarque à Aoste. Les solides principes catholiques du gallican Tillier, ne lui eussent, d'ailleurs jamais permis de s'abandonner aux illations d'un Chevalier ! Il faut en venir aux temps modernes pour retrouver chez un auteur une prise de position presque identique. N 'est-ce pas Saint Loup qui a étrangement reproché aux valdôtains d'avoir man– qué « le coche » à l'occasion du prétendu voyage de Calvin ? « Le coche » - d'après !'écrivain français - aurait signifié « Canton suisse, liberté, paix, franc-or, sagesse perpétuelle » ! ? ! 11 . Nous nous sommes quelque peu attardés dans l'analyse de ce texte, car il nous semblait précieux pour documenter la réaction du milieu progressiste et laïque d'Aoste vis-à-vis de la question valdôtaine . Nonobstant les anachronismes évidents où tombe l'avocat Che– valier, on ne manquera pas de souligner le puissant souffle de pa– triotisme qui anime son écrit. La découverte et la réévaluation de J .-B. de Tillier, seront l'oeuvre des savants ecclésiastiques valdôtains de la moitié du xrxe siècle, et particulièrement de leur chef de file, Jean-Antoine Gal. Encore, cet intérêt pour l'oeuvre de Tillier ne s'exerça-t-il en ce moment-là que sur le plan de l'érudition. Seulement dans la deuxiè– me moitié du siècle, alors que la politique d'oppression linguistique de la part de l'Etat redonna de l'actualité aux instances régionalistes, on saisit toute l'importance historiologique du Recueil de Tillier et on l'évalua à son juste titre. (11) SAINT-LOUP, Pays d'Aoste, Paris 1962.

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