BASA
Présence de Racine 129 même après son mariage ( 1660) avec l'Infante Marie-Thérèse qm ne jouera qu'un rôle très effacé, sa liaison avec Mlle de Lavallière 16 , à laquelle succède Mme de Montespan 17 , qui exercera sur lui, pendant huit ans, une influence politique parfois néfaste. Les remontrances de Bossuet 18 , les charmes d'une autre favorite (la duchesse Angélique de Fontan– ges) et l'astre naissant de Mme de Maintenon 19 mettront fin au règne de cette dominatrice altière et capricieuse. «J'approuve les belles passions », affirme le duc de la Rochefou– cauld dans le portrait qu'il donne de lui-même, car « elles marquent la grandeur de l'âme et ... s'accommodent si bien de la plus austère vertu que je crois qu'on ne saurait les condamner avec justice ». C'est cette évolution des moeurs qui marque l'oeuvre du poète, en lui assurant les suffrages de la Cour 20 , qui n'est pas insensible à l'analyse et à l'étude psychologique de ces «belles passions », de ces crises d'âme, déterminant les décisions que vont prendre les victimes d'une fatalité tragique découlant de l'excès même de l'éréthisme. Dans sa vie privée, Racine offre la première place aux épanchements du coeur. Une large partie de ses sentiments et de ses ardentes passions, comme l'a montré Jean Pommier 21 , est extériorisée dans Andromaque et dans les tragédies successives, qui rompent « avec cette convention d'un jeu d 'amour tendre et charmant où il ne faut jamais désespérer » 22 • Si l'on rejette l'idée de considérer !'oeuvre d'art comme une synthèse mystérieuse d'éléments rationnels, faut-il donc faire confiance à l'idée de genèse et essayer de déchiffrer Racine par des clefs allégoriques, tout comme un système ésotérique de significations occultes ? (16) La duchesse Louise de La Vallière (1644-1710) aima sincerernent et tendrement le roi, dont elle eut quatre enfants. Lorsqu'elle se vit délaissée pour l'amour de la marquise de Montespan, elle se laissa ramener au devoir par Bossuet, qui la fi t entrer aux Carmélites (1674) sous le nom de soeur Louise de la Miséricorde. (17) Amie de Mlle de La Vallière, dont elle avait mérité la confiance, et darne de la reine depuis 1666, la marquise de Montespan (1641-1707) eut sept enfants du roi. C'est chez elle, en présence de Mme de Maintenon, que Racine et Boileau allaient lire à Louis XIV chaque chapitre de leurs relations concernant leurs fonctions d'historiographes du roi. (18) Dans son Oraison fun èbre de la reine, morte en 1683, Bossuet ne manque pas de rappeler la jeunesse du roi, évoquant l'Amour qui «peut bien remuer le coeur des héros du monde, et y soulever des tempêtes ». L'évêque de Meaux savait faire entendre aux grands de la Cour et au roi lui-même d'austères vérités ! (19) Petite fille de l'auteur du poème Les Tragiques, orpheline obligée d'épouser à 16 ans, pour sortir de la misère, le poète Scarron, paralytique et plus âgé qu'elle de 25 ans, veuve enfin après dix ans de mariage, Françoise d'Aubigné, la future marquise de Main– tenon, fut chargée par Mme de Montespan de diriger l'éducation de ses enfants illégitimes, que le roi venait de reconnaître et voulait faire élever à la Cour. S'étant épris d'elle, le roi l'épousa secrètement en 1684. 9 (20) Boileau lui-même doit en convenir: «De cette passion la sensible peinture 1 Est pour aller au coeur la route la plus sûre. » (21) Jean Pommier, o. c. (22) François Mauriac, La vie de Jean Racine, Paris, 1950.
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