BASA

Présence de Racine 135 C'est justement le cas de Roland Barthes, dont l'ouvrage , Sur Ra– cine, représente - dans un certain sens -- une étape nouvelle dans notre connaissance du monde racinien, en l'éclairant « d'un jour souvent insolite, toujours révélateur » 44 . Ce livre, qui est marqué par la psychanalyse, mais non asservi à cette sc ience, se compose de trois essais: l'Homme racinien 45 , sorte d'anthropologie racinienne , à la fois structurale et analytique, Dire Racine 46 , compte rendu d'une représentation de Phè– dre au Théâtre National Populaire, Histoire ou Littérature ? 47 , étude en– tièrement consacrée à un problème général de critique racinienne. C'est dans le cadre géographique, où se brisent les flots de trois Méditerranées (l'antique, la juive et la byzantine ), que Barthes recher– che et analyse tous les éléments susceptibles d'éclairer la structure du système dramatique de Racine, sans toutefois essayer - comme ses prédécesseurs - d'expliquer l'oeuvre par le poète, et le poète par l'oeuvre. Selon Barthes le théâtre de Racine, peuplé complexivement par une cinquantaine de personnages tragiques , dont les actions sont propres ?: la horde primitive, est dominé par plusieurs mythes: celui d~1 père dis– posant par son autorité traditionnelle de la vie de ses enfants (Amurat, Mithridate, Agamennon, Thésée) , celui des fils se disputant l'héritage d'un père qui n'est pas encore mort et qui revient 48 les punir ( Etéocle et Polynice, Pharnace et Xipharès ), celui ci~ la femme toujours convoitée mais rarement obtenue (Andromaque, Junie , Atalide, Monime), celui du plus fort qui voudrait imposer son amour au plus faible ( Pyrrhus et Andromaque, Néron et Junie, Mithridate et Monime , Roxane et Bajazet, Phèdre et Hippolyte). Sous l'espèce d'une double équation : « A a tout pouvoir sur B. A aime B, qui ne l'aime pas . » Barthes représente la relation d' autorité, toujours constante et évidente dans les onze tragédies qu'il envisage, et le sentiment 2moureux, souvent plus problématique , que les captives raciniennes (il y en a presque une par tragédie) ne partagent pas, au grand désespoir de leur tyran. A et B étant enfermés dans le même espace clos, leur relation demeure immobile . « Au départ, tout fa.vorise A, puisqu'il tient B à (44) Bernard Magné. Roland Barthes, Bulletin d~ l'Université de Toulouse, janvier 1964. (45) Paru dans l'éd 'tion du Théâtre de IZacine. publiée par le Club Français du Livre, tomes XI et XII du Théâtre Classique français, Paris. 1960. (46) Paru dans Théâtr,e Populaire, n. 29, mars 1958. (47) Paru dans la rubrique Débats et Combats de la revue Annales, n. 3, mai-juin 1960 (48 ) L'absence du père donnerait lieu - selon Barthes - au désordre, tandis que son retour instituerait la faute.

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