BASA
T émoignages et documents 195 Marc, et se repandirent dans toute la Valdigne en plaçant leur camp general à Morges. Les troupes du roi de Sardaigne se retrancherent à Pierre Taillée en dessus de Livrogne, que les Français n'oserent forcer, et demeurerent près de 40 jours dans la Valdigne où ils pillerent les églises, volerent les vases sacrés, mutilerent les statues ou images, et laisserent partout des marques de leur impieté et ferocité. La nouvelle de la prise du Petit-St-Bernard repandit tellement la terreur dans la ville et dans la province qu'une grande partie du clergé soit de la haute Val d'Aoste soit de la ville s'évadèrent les uns hors de la province et les autres se cachèrent dans les montagnes . Les religieux et religieuses pas– serent en Piemont, et abandonnerent leurs effets. Le magazin du roi pour les troupes fut vendu à vil prix par les soldats même sans aucun ordre, et la ville fut dans une telle consternation qu'un grand nombre de familles en sortirent pour se cacher dans les paroisses les plus éloignées, et les riches enfouirent dans la terre leur or et leurs plus precieux meubles. Cette entrée des Français dans la Val d'Aoste et les posts qu'ils forcerent dans le Pîemont determinerent le roi Victor-Amé III à accepter des condi– tions de paix, outre la crainte que ce souverain avoit de perdre entierement ses Etats, comme son successeur les perdit quatre ans après, par le grand nombre de mauvais sujets qu'il avoit dans l'interieur de son domaine, qui etoient vendus à la France et attachés au sisteme. Ces conditions furent d'accorder le passage aux troupes republicaines, de leur preter des fournitures en vivre, de leur aider de ses forces et de se departir de la coalition des ennemis de la France. A la faveur de ce traité, les troupes françaises qui etoient en Savoye passerent le petit St-Bernard et le Mont Cenis et vinrent attaquer Milan qui . après beaucoup de resistance, fut pris et érigé en republique nommée Cisal– pine. De là les armées republicaines penetrerent dans l'Italie, s'emparerent de Venise, des Etats des ducs de Parme, Modène et Toscane, et passèrent dans les Etats du pape, où elles commirent les atrocités des Attila et forcerent le pape à acheter une paix honteuse pour se délivrer des menaces injustes d'une guerre meditée par les ennemis de sa Sainteté. Pendant cette intervalle, l'Etat du Piemont etait dans une grande crise. Les depenses excessives pour sa defense, les fournitures faites aux Français sans esperance de retour, les troupes plus nombreuses à cause de la auerre, avoient occasionés un deficit considerable des finances. Le roi avoit i':iis en cour des billets des finances pour la somme de 18 millions outre une nouvelle monnoie de billon de la valeur de 20 sols piece, et de 10 sols, apres la revo– cation des pieces de sept sols et demi et de quinze sols en date du 20 mai 1794, ce qui aggrava tellement l'Etat qu'il hypoteca, pour la sureté des billets, ses domaines royaux et les biens ecclesiastiques attachés aux benefices de nomination royale, par concession du pape <lattée du 15 mars 1794. Cela ne suffit pas cependant pour obvier à tous les besoins de l'Etat; il fallut faire des emprunts et on obligea l'Eglise à donner le sixieme de ses revenus , on demanda toute l'argenterie des corps ecclesiastiques, on les engagea encore à un don gratuit, et on poussa l'industrie jusqu'à imposer la taille sur les biens ecclesiastiques d'ancien patrimoine qui de temps immemorial en avoient été exempts . Ces dettes considerables de l'Etat furent cause qu'on donna cours à des monnoyes dont le prix ne repondoit pas de bien près à la valeur qu'on
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